Vidocq - le Napoléon de la Police
la Sûreté.
Malgré les flatteuses attentions
royales, nomination à une académie protégée par le souverain, dont le duc de
Montmorency est le président et la reconnaissance de ses inventions, Vidocq
préfère revenir à la vie civile. Il ne se cantonne plus dans son usine de
Saint-Mandé. Sa dernière expérience lui a permis de s’apercevoir à quel point
il avait en lui le virus de l’enquêteur mais aussi de toucher du doigt les
carences de l’état sur la sécurité des particuliers.
La police de Louis-Philippe, d’une
extrême médiocrité ne protège pas plus le roi des attentats, le monarque en
subira sept, que les commerçants des débiteurs indélicats. Pour garantir sa sécurité
et protéger son commerce, le bourgeois est invité à le faire lui-même dans la
garde nationale.
Vidocq jouit d’une flatteuse
considération, sa réputation de policier hors pair est répandue dans toute
l’Europe. Avec cette ultime démission, il est débarrassé de tout lien avec le
pouvoir, donc de toute compromission. Il peut alors inaugurer une nouvelle
industrie : une police privée.
Comme d’habitude, il agit en
franc-tireur. Se substituant à l’officielle inopérante, Vidocq crée son propre
service. Il ouvre son bureau, 12 rue de la Cloche-Percée au second étage, près
de la rue Saint-Antoine. Vidocq est l’inventeur des agences d’enquêtes et de
filatures qui, des adultères à la récupération de créances en passant par la
vérification de l’honnêteté des partenaires commerciaux, vont conquérir le
monde entier. Cette première police privée au monde a un titre qui résume sa
fonction : « Bureau de renseignements dans l’intérêt du
commerce. » Et une formule d’investigation appelée à devenir célèbre :
« Discrétion assurée ».
Cela faisait longtemps qu’il y
pensait. Le papier infalsifiable et l’encre indélébile étant les amorces d’un
projet plus vaste. Empêcher les « faiseurs » de ruiner les
commerçants en les escroquant. Il a gardé des relations et même des amis dans
les différents ministères, les banques et la magistrature. Il va se servir de
ce réseau. Il propose donc aux commerçants et fabricants, un abonnement à son
bureau de vingt francs par an. En échange, il les avertira de la vérité de la
réputation de leurs associés et gros acheteurs. Les « indélicats »
étant la plaie des commerçants qu’ils ruinent sans vergogne. Les commerçants
reçoivent des commandes importantes de personnalités honorablement connues qui
les payent à crédit. Ils ont confiance face au train de vie de leurs clients.
Ces derniers vivent dans de belles maisons, ont des titres, des châteaux, une
belle allure. Ils acceptent donc d’être payés par traites à quatre-vingt-dix ou
cent vingt jours. Entre temps leur marchandise est revendue à cinquante pour
cent de leur valeur. Et lorsque le jour du paiement arrive, ils ne touchent
rien et sont ruinés.
À moins que les limiers de Vidocq ne
les aient avertis ou qu’ils se chargent de faire rendre gorge aux escrocs en
devenant recouvreurs de créances.
En l’espace de deux mois, il permet
à différents entrepreneurs de recouvrir plus de soixante mille francs de
marchandises achetées frauduleusement. Un an seulement après l’ouverture de
l’agence, quatre mille signatures de commerçants, banquiers, industriels attestent
des services considérables que cette agence leur a rendus. Lorsque les escrocs,
banqueroutiers et autres chevaliers d’industrie sentent que Paris devient un
terrain trop brûlant pour continuer leurs exploits, ils se réfugient en
province. Mais là aussi, Vidocq a des correspondants qui permettent à ses
abonnés d’échapper au pillage.
Dans chaque département, il peut
faire intervenir un avocat ou un huissier, voire un policier. C’est ainsi qu’à
Dijon, il collabore avec le commissaire en personne.
Le nom de Vidocq et celui de son
agence sont constamment cités dans la presse qui raconte comment lui et ses
agents ont réussi là où la police officielle a échoué ou n’a rien fait. Comme à
Méru-sur-Oise où un notaire victime d’un vol, des obligations entreposées par
un client, va trouver la police. Sa plainte y est aussi vite enregistrée que
classée sans suite. Lassé d’attendre, le tabellion se présente à l’agence de
Vidocq et demande à le voir en personne. Celui-ci lui pose alors la question de
confiance :
« Venons-en au fond des
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