Vidocq - le Napoléon de la Police
choses.
Vous me demandez de retrouver votre argent ou les voleurs ?
— Les voleurs. Car eux seuls
pourront me dire qui, dans mon étude les a mis au courant de ce dépôt. Il en va
de la tranquillité future de ma charge. »
Vidocq lui montre alors un
trombinoscope de son invention. Une centaine de petites lithographies
représentants les « professionnels », capables d’avoir accompli ce
délit et se trouvant en liberté.
Il a rassemblé la liste de tous les
individus qui depuis vingt-cinq ans ont été arrêtés et condamnés pour
escroquerie ou vol, spécialité par spécialité.
« Reconnaissez-vous
quelqu’un ? »
Le notaire interloqué les regarde et
au bout d’un moment pointe son doigt sur l’un d’eux :
« Celui-là. Je l’ai vu, j’en
suis sûr.
— Il travaille souvent avec cet
individu », observe Vidocq en lui montrant un autre portrait sur lequel le
notaire réagit également.
« Il est venu me voir à mon
étude. Ça alors… »
À l’arrêt de la diligence, le
préposé reconnaît le portait des deux hommes, l’aubergiste fait de même. En
moins de quarante-huit heures, l’enquête est bouclée. Le notaire a retrouvé les
titres dérobés et chassé le secrétaire indélicat qui renseignait les voleurs.
La police apprend ce beau résultat
par les journaux et prend peur. Elle est décidée à entraver le succès de cette
concurrence inattendue par tous les moyens. Toute l’énergie qu’elle ne met pas
à retrouver les malfrats, elle va l’utiliser à contrarier l’ascension de
l’équipe de Vidocq. Au début la préfecture a recours à des procédés classiques
comme envoyer des mouchards. Mais c’est en pure perte. Le « patron »
n’engage pas n’importe qui. Même pour les tâches subalternes telles que garçon
de bureau par exemple, il mène une véritable enquête de moralité. Les rapports
de filature doivent être remplis avec des indications précises, heures, lieux,
description de vêtements des personnages rencontrés par le suspect, etc. Un
modèle du genre. De plus, tous les gens ont un nom de code. Impossible de
savoir, en consultant les dossiers qui est qui. Grâce à cette précaution, aucun
espion ou enquêteur indélicat ne peut faire « chanter » un ancien
abonné.
Elle décide alors de l’attaquer sur
le terrain juridique. Vidocq a-t-il le droit de surveiller la maison de
quelqu’un et de se renseigner sur sa vie privée ? Ce procès attire les
curieux et la presse qui se fait largement l’écho des réponses du chef du
« bureau de renseignements dans l’intérêt du commerce ». C’est autant
de publicité gratuite qui lui ramène une clientèle accrue. En cinq ans, il
rassemble plus de vingt mille clients. Vidocq, obligé de s’agrandir transporte
ses locaux rue du Pont-Louis-Philippe, rue Neuve-Saint-Eustache et enfin dans
l’endroit le plus chic de la capitale, au 13, passage Vivienne.
Auprès de lui, outre sa vingtaine de
détectives privés, travaillent un huissier chargé d’établir les constats et des
avocats. En effet, les malfrats auxquels à affaire le bureau de Vidocq ont
parfaitement étudié le code et connaissent la jurisprudence sur le bout des
doigts. Ils savent jusqu’où ils peuvent aller pour éviter la correctionnelle.
Chaque succès de Vidocq, relayé par
les journalistes est autant de banderilles enfoncées dans le cuir sensible de
la police officielle. Exaspérée, elle recourt à la calomnie. Elle laisse
entendre que les vols commis dans Paris sont de Vidocq et de sa bande qui,
après, n’ont aucune peine à arrêter de prétendus coupables et à se présenter
comme des sauveurs auprès de leurs clients. Mais le public ne marche pas et les
commerçants continuent à avoir recours à ses services.
Jusqu’au 28 novembre 1837, où à huit
heures du matin, une descente en force de la police envahit ses bureaux. Quatre
commissaires et une vingtaine d’agents s’emparent de ses dossiers. La
préfecture annonce des révélations sensationnelles. Tandis que la presse titre
le 19 décembre : « Vidocq en prison ! »
X
La dernière évasion
« Cette fois-ci, nous le
tenons ! »
Le nouveau préfet Gabriel Delessert
a adopté tous les préjugés de ses prédécesseurs. Ayant réuni ses principaux
collaborateurs, il se frotte les mains en contemplant les journaux étalés sur
sa table. Tous consacrent la une à l’arrestation de Vidocq. Certains parlent de
guillotine, d’autres de
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