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Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II

Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II

Titel: Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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les salariés du dernier ordre, de ces hommes sans propriété, sans capital et n'ayant que leurs bras pour vivre. Cette classe est toujours la plus nombreuse d'une nation ; et par conséquent, on ne peut pas dire heureuse la société, où par la modicité et l'insuffisance des salaires, les salariés ont une subsistance si bornée, que pouvant à peine satisfaire leurs premiers besoins, ils n'ont le moyen ni de se marier, ni d'élever une famille, et sont réduits à la mendicité, aussitôt que le travail vient à leur manquer, ou que l'âge et la maladie les forcent de manquer eux-mêmes au travail.
Au reste, les salaires dont il est ici question, ne doivent pas être considérés d'après la somme à laquelle ils s'élèvent, mais d'après la quantité de denrées, de vêtemens et d'autres marchandises que le salarié peut obtenir avec l'argent qu'il reçoit.
    Malheureusement, dans tous les états policés de l'ancien monde, une nombreuse classe de citoyens n'a pour vivre que des salaires, et ces salaires lui sont insuffisans. C'est là véritablement ce qui produit la misère de tant de journaliers qui travaillent dans les campagnes ou dans les manufactures des villes, la mendicité, dont le mal s'étend chaque jour de plus en plus, parce que les gouvernemens ne lui opposent que des remèdes impuissans, la dépravation des mœurs, et presque tous les crimes.
La politique de la tyrannie et celle du commerce, ont méconnu et déguisé ces vérités. L'horrible maxime qui dit qu'il faut que le peuple soit pauvre pour qu'il reste soumis, est encore celle de beaucoup de gens au cœur dur et à l'esprit faux, qu'il est inutile de combattre ici.—Il en est d'autres qui pensent aussi que le peuple doit être pauvre, par rapport aux prétendus intérêts du commerce. Ils croient que l'augmentation des salaires fait enchérir les productions du sol et sur-tout celles de l'industrie, qui se vendent à l'étranger ; ce qui doit diminuer leur exportation et les profits qu'elles peuvent donner. Mais ce motif est à la fois barbare et mal fondé.
Il est barbare ; car quels que puissent être les avantages du commerce avec l'étranger, s'il faut pour les avoir, que la moitié de la nation languisse dans la misère, on ne peut, sans crime, chercher à les obtenir, et il est du devoir d'un gouvernement d'y renoncer. Vouloir empêcher les salaires de s'élever pour favoriser l'exportation des marchandises, c'est travailler à rendre misérables les citoyens d'un état, afin que les étrangers achetent ses productions à meilleur marché ; c'est tout au plus essayer d'enrichir quelques marchands, en appauvrissant le gros de la nation ; c'est se ranger du côté du plus fort, dans la lutte déjà si inégale de celui qui peut donner des salaires avec celui qui a besoin d'en recevoir ; enfin, c'est oublier que l'objet de toute association politique doit être le bonheur du plus grand nombre.
    En outre, le motif est mal fondé ; car la modicité des salaires portée à l'excès où l'on la voit aujourd'hui dans presque toute l'Europe, n'est pas nécessaire pour procurer à une nation l'exportation avantageuse des productions de son sol et de ses manufactures. Ce n'est pas le salaire de l'ouvrier, mais le prix des marchandises qui doit être modéré, pour qu'on puisse vendre ces marchandises à l'étranger : mais on a toujours négligé de faire cette distinction. Le salaire de l'ouvrier est le prix de sa journée. Le prix des marchandises est ce qu'il en coûte pour recueillir ou préparer une production du sol ou de l'industrie.—Cette production peut donc être à un prix très-modéré, en même-temps que l'ouvrier aura de bons salaires, c'est-à-dire, les moyens de se procurer une subsistance abondante.—Le travail nécessaire pour recueillir ou préparer la chose qu'on veut vendre, peut être à bon marché, et le salaire de l'ouvrier très-bon.—Quoique les ouvriers de Manchester et de Norwich, et ceux d'Amiens et d'Abbeville, soient occupés du même genre de travail, le salaire des premiers est bien plus considérable que celui des autres ; et cependant, à qualité égale, les étoffes de laine de Manchester et de Norwich sont moins chères que celles d'Amiens et d'Abbeville.
Il seroit trop long de développer ici ce principe. Je me bornerai à observer qu'il tient sur-tout à ce que le prix du travail des arts et même de l'agriculture, est singulièrement diminué par le perfectionnement des machines qu'on y

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