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Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II

Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II

Titel: Vie de Benjamin Franklin, écrite par lui-même - Tome II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benjamin Franklin
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les traces aisément, en y passant une éponge mouillée.
Après un temps, je ne fis plus qu'un cours pendant l'année, et, par la suite, un seul en plusieurs années, jusqu'à ce qu'à la fin je n'en fisse plus du tout, étant employé, hors de chez moi, par des voyages, des occupations et une multitude d'affaires. Cependant, je portois toujours mon petit livre avec moi. Mon projet d'ordre me donna le plus de peine, et je trouvai que, quoiqu'il fût praticable, lorsque les affaires d'un homme sont de nature à lui laisser la disposition de son temps, comme celles d'un ouvrier imprimeur, par exemple, il ne l'étoit plus pour un maître, qui doit avoir des relations avec le monde, et recevoir souvent les gens à qui il a affaire, à l'heure qui leur convient. Je trouvai très-difficile aussi d'observer l'ordre, en mettant à leur place les effets, les papiers, etc. Je n'avois pas été accoutumé, de bonne heure, à cette règle ; et, comme j'avois une excellente mémoire, je sentois peu l'inconvénient qui résulte de manquer d'ordre. Cet article me contraignit à une attention pénible ; mes fautes, à cet égard, me tourmentèrent tellement, mes progrès étoient si foibles et mes rechutes si fréquentes, que je me décidai presque à prendre mon parti sur ce défaut.
Quelque chose aussi, qui prétendoit être la raison, me suggéroit, de temps en temps, que cette extrême délicatesse, que j'exigeois de moi-même, pouvoit bien être une espèce de sottise en morale, qui me rendroit ridicule, si elle étoit connue ; qu'un caractère parfait pourroit éprouver l'inconvénient d'être un objet d'envie et de haine, et que celui qui veut le bien, doit se souffrir un petit nombre de défauts, pour mettre ses amis à leur aise.
    Dans le vrai, je me trouvai incorrigible, par rapport à l'ordre ; et à présent que je suis devenu vieux, et que ma mémoire est mauvaise, j'en sens vivement le besoin ; mais, après tout, quoique je ne sois jamais arrivé à la perfection à laquelle j'avois tant d'envie de parvenir, et que j'en sois même resté bien loin, cependant, mes efforts m'ont rendu meilleur et plus heureux que je n'aurois été, si je n'avois pas formé cette entreprise ; comme celui qui tâche de se faire une écriture parfaite, en imitant un exemple gravé, quoiqu'il ne puisse jamais atteindre la même perfection ; néanmoins, les efforts qu'il fait rendent sa main meilleure et son écriture passable.
Il peut être utile, à ma postérité, de savoir que c'est à ce petit artifice, à l'aide de Dieu, que leur ancêtre a dû le bonheur constant de sa vie, jusqu'à sa soixante et dix-neuvième année, pendant laquelle ceci est écrit. Les revers, qui peuvent accompagner le reste de ses jours, sont entre les mains de la Providence ; mais, s'ils arrivent, la pensée de son bonheur passé doit l'aider à les supporter avec résignation. Il attribue, à la sobriété, sa longue et constante santé, et ce qui lui reste encore d'une bonne constitution ; à l'application et à l'économie, l'aisance qu'il s'est procurée de bonne heure, l'acquisition de sa fortune, et des connoissances qui l'ont mis en état d'être un citoyen utile, et lui ont donné quelque réputation parmi les savans ; à la sincérité et à la justice, la confiance de son pays, et les emplois honorables dont on l'a revêtu. Enfin, c'est à l'influence de toutes ces vertus, quelqu'imparfaitement qu'il ait pu les atteindre, qu'il croit devoir cette égalité d'humeur et cette gaieté dans la conversation, qui fait encore rechercher sa compagnie, même par des gens plus jeunes que lui.
    Il espère que quelques-uns de ses descendans suivront cet exemple, et s'en trouveront bien.
On remarquera que, quoique mon plan ne fût pas entièrement sans rapport avec la religion, il ne s'y trouvoit pas de traces d'aucun dogme : je l'avois évité à dessein, car j'étois persuadé de l'utilité et de l'excellence de ma méthode ; je croyois qu'elle devoit être utile aux hommes, quelle que fût leur religion, et me proposois de la publier quelque jour.
J'avois dessein d'écrire un petit commentaire sur chaque vertu, dans lequel j'aurais fait voir l'avantage de les posséder, et les maux qui suivent les vices qui leur sont opposés ; j'aurois intitulé mon livre : l'Art de la Vertu, parce qu'il auroit montré les moyens et la manière d'acquérir la vertu, ce qui l'auroit distingué d'une simple exhortation qui, n'indiquant pas les moyens de parvenir à

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