Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I
Philadelphie, le 17 juillet 1788.
B. Franklin.
Codicile.
Moi, Benjamin Franklin, après avoir considéré le testament précédent, ou ci-joint, je crois à propos d'y ajouter le présent codicile.
L'un de mes anciens et invariables principes politiques, est que, dans un état démocratique, il ne doit point y avoir d'emploi lucratif, par les raisons détaillées dans un article que j'ai rédigé dans notre constitution ; et lorsque j'ai accepté la place de président, mon intention a été d'en consacrer les honoraires à l'utilité publique. En conséquence, j'ai déjà légué, par mon testament du mois de juillet dernier, des sommes considérables aux colléges, et pour construire des églises. J'ai, de plus, donné deux mille livres sterlings à l'état de Pensylvanie, pour être employées à rendre le Skuylkil navigable. Mais apprenant depuis, que cette somme est très-insuffisante pour un pareil ouvrage, et que vraisemblablement l'entreprise n'aura pas lieu de long-temps, j'ai conçu une autre idée, que je crois d'une utilité plus étendue. Je révoque donc et annulle le legs qui devoit servir aux travaux du Skuylkil ; et je désire qu'une partie des certificats, que j'ai pour ce qui m'est redû de mes honoraires de président, soit vendue pour produire deux mille livres sterlings, dont on disposera, comme je vais l'expliquer.
L'on pense que celui qui reçoit un bien de ses ancêtres, est, en quelque sorte, obligé de le transmettre à ses descendans. Certes, je ne suis point dans cette obligation, moi, à qui mes ancêtres ni aucun de mes parens n'ont jamais laissé un schelling d'héritage. J'observe ceci, pour que ma famille ne trouve pas mauvais que je fasse quelques legs, qui ne sont pas uniquement à son profit.
Né à Boston, dans la Nouvelle-Angleterre, je dois mes premières connoissances en littérature aux libres écoles de grammaire de cette ville :
aussi ne les ai-je point oubliées dans mon testament.
Mais j'ai également des obligations à l'état de Massachusett, qui, sans que je l'aie demandé, m'a nommé son agent, pendant plusieurs années, et m'a accordé en conséquence des honoraires assez considérables. Quoiqu'en servant cet état, et en lui transmettant les lettres du gouverneur Hutchinson, j'aie perdu plus qu'il ne m'a jamais donné, je ne pense pas lui devoir moins de reconnoissance.
J'ai observé que parmi les artisans, les bons apprentis devenoient ordinairement de bons citoyens. J'ai moi-même, dans ma ville natale, commencé par apprendre le métier d'imprimeur ; et ensuite j'ai eu la facilité de m'établir à Philadelphie, parce que deux amis m'ont prêté de l'argent, qui a été la base de ma fortune, et la cause de tout ce que j'ai pu faire d'utile dans le cours de ma vie.—Je désire de pouvoir être encore de quelqu'utilité après ma mort, en formant et soutenant des jeunes gens, qui rendent service à leur pays, dans les deux villes que je viens de nommer.
Je donne donc en dépôt mille livres sterlings aux habitans de Boston, dans l'état de Massachusett, et mille livres sterlings à ceux de Philadelphie, afin que ces sommes soient employées de la manière suivante.
Si les habitans de Boston acceptent les mille livres sterlings, elles seront confiées aux élus de cette ville et aux ministres de l'ancienne congrégation épiscopale et presbytérienne ; et ces administrateurs en feront des prêts à cinq pour cent d'intérêt par an, à de jeunes artisans mariés, lesquels seront âgés de vingt-cinq ans, et auront appris leur métier dans la ville, et rempli fidèlement les obligations spécifiées dans leur contrat d'apprentissage, de manière à mériter qu'au moins deux citoyens respectables répondent de l'honnêteté de leur caractère, et leur servent de caution, pour le paiement de la somme qu'on leur prêtera, ainsi que des intérêts, avec les conditions ci-après spécifiées.
Le montant de tous les billets sera payable en piastres espagnoles cordonnées, ou en monnoie d'or courante ; et les administrateurs tiendront un livre, ou des livres, où seront inscrits les noms de ceux qui profiteront de l'avantage de cette institution, ainsi que les noms de ceux qui leur serviront de caution, avec les sommes qui leur seront prêtées, les dates et tout ce qui y aura rapport. Comme ces prêts sont destinés à faciliter l'établissement des jeunes ouvriers qui se marieront, il faut que les administrateurs ne prêtent à une même personne ni plus de
Weitere Kostenlose Bücher