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Voltaire

Voltaire

Titel: Voltaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: André Maurois
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algébriques, donne aux moralistes et aux philosophes l'idée qu'ils pourront, par la raison pure, résoudre tous les problèmes. Spinoza, dans son Ethique, avait déjà mis la métaphysique en théorèmes, corollaires et scolies. Au dix-huitième siècle, les philosophes français et anglais essaieront de remplacer, pour la conduite de la vie, la tradition et l'instinct par le raisonnement logique.
    S'ils commencent à entrevoir ce que sera la science expérimentale, ils sont loin de la méthode sévère et de la soumission modeste aux faits qui assureront, au dix-neuvième puis au vingtième siècle, les progrès foudroyants de la physique et de la chimie. Mais déjà la science a transformé l'idée que se font du Monde les hommes les plus réfléchis. Au lieu d'y voir un drame simple, mis en scène par une divine Providence, ils y découvrent le jeu infiniment complexe de causes petites et innombrables. L'homme cesse de se croire le centre de toutes choses et se voit comme un animal minuscule perdu dans un canton de l'univers. Ces pensées affaiblissent la religion comme l'existence d'une bourgeoisie critique et d'une noblesse mécontente affaiblit la monarchie. Toute l'armature qui, au dix-septième siècle, a soutenu la France, fléchit.
    Un des Français qui ont contribué le plus vigoureusement à tordre et à briser cette armature est un bourgeois, fils d'un notaire qui se nommait Arouet, et qui l'était de plusieurs familles nobles, dont celle du Duc de Saint-Simon.
    1 FIDAO-JUSTINIANI : Qu'est-ce qu'un classique ?

II
    Enfance et éducation
    Le 22 novembre 1694, fut baptisé à Paris un enfant chétif : François-Marie Arouet. Plus tard il se rebaptisa lui-même Voltaire, nom qui était, disent les uns, celui d'un petit bien de famille et, prétendent les autres, un anagramme des mots : Arouet le Jeune. En effet, Arouet L. J. = Voltaire, si l'on fait U = V et J = I. Mais les chercheurs d'anagrammes trouvent tout dans tout, et même Shakespeare dans Bacon.
    Il faut retenir la faiblesse de Voltaire à sa naissance ; de cette fragilité, il va se faire une arme. En fait il fut tout de suite merveilleusement vivant d'esprit et de corps. A trois ans, son parrain, l'abbé de Chateauneuf, grand libertin, lui faisait réciter les Fables de La Fontaine et un poème agnostique, la Moïsade, où toutes les religions étaient condamnées :
    Papistes, Siamois, tout le monde raisonne,
    L'un dit blanc, l'autre noir, on ne s'accorde point.
    Les hommes vains et fanatiques
    Reçoivent sans difficulté
    Les fables les plus chimériques.
    « Il n'a que trois ans et il sait toute la Moïsade par cœur », disait fièrement Chateauneuf à sa vieille amie Ninon de Lenclos, qu'avaient aimée trois générations. De lui, Voltaire apprit à construire des vers français et à détester les fanatiques. L'aîné des fils du notaire Arouet était janséniste, dévot et d'une religion étroite. Dans la violence des sentiments de Voltaire sur les sujets religieux, entra sans doute pour une part son hostilité contre un insupportable aîné.
    A dix ans, il fut mis au collège Louis-le-Grand, chez les Jésuites. Ils le formèrent à leur image. Ils nourrissaient leurs élèves de latin, de rhétorique, et leur donnaient le respect des vieux genres : épopée, tragédie, dialogue. Ils attachaient grande importance à la forme et enseignaient une sagesse mondaine. François-Marie Arouet s'entendit à merveille avec eux.
    Jamais les Jésuites n'avaient rencontré un esprit plus précocement universel. Le Père Porée, homme aimable, « plein de candeur et de mérite », disait affectueusement : « Il aime à peser dans ses petites balances les grands intérêts de l'Europe ». Mais le collégien restait enfant et jouait des tours à ses maîtres. A Louis-le-Grand, on n'allumait les poêles que si l'eau du bénitier gelait dans la chapelle. Le jeune Arouet, qui était frileux, ramassait des glaçons dans la cour et allait en cachette les jeter dans le bénitier, ce qui était une préfiguration assez exacte de son destin.
    Les Pères, épris de belle culture, ne pouvaient qu'aimer de tout leur cœur un enfant prodige qui, à douze ans, écrivait avec aisance des vers élégants et faciles. Eux-mêmes se chargeaient de faire circuler ses épigrammes. L'une d'elles fut montrée par Chateauneuf à Ninon de Lenclos et la belle octogénaire demanda quel'auteur lui fût amené. L'abbé y conduisit son filleul. Elle l'interrogea sur les querelles du

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