1941-Le monde prend feu
déboulonnés, écartés. Et dans les derniers jours de décembre, deux
trains de permissionnaires de la Wehrmacht déraillent, alors qu’ils roulent à
pleine vitesse.
Le communiqué de la résistance précise que « deux
locomotives, trente wagons ont été détruits et trois cents Allemands – dont
le commandant de la place de Cherbourg – ont été tués ou blessés ».
C’est un foisonnement d’actions. Là, des journaux
clandestins sont diffusés. Ailleurs, des groupes de résistants se constituent. Certains
choisissent de rejoindre les grands « réseaux » : Libération , Combat , le Front national.
D’autres créent un « bataillon de la mort » BDLM.
Là, se met en place une filière pour accueillir les
prisonniers évadés, leur faire passer la ligne de démarcation, puis la
frontière des Pyrénées.
Au cœur même du pouvoir d’État, en zone libre ou occupée, le
réseau Noyautage des administrations publiques (NAP) sabote, détourne, renseigne.
Toutes ces actions sont l’œuvre d’une minorité de Français
mais elles changent le climat. La France n’est plus soumise.
De Gaulle, le 31 décembre, dans ses vœux à la nation,
« au moment où commence une année de cruelles épreuves, mais aussi d’immenses
espérances », martèle :
« Nous entendons, dit-il, refaire dans la guerre pour
la France et pour la liberté du monde l’unité nationale rompue par l’invasion
et la trahison. Nous prétendons libérer de l’ennemi ou des traîtres qui le
servent tous les territoires et tous les citoyens français. »
Pour cela, il faut d’abord créer l’unité de tous les
résistants autour de la France Libre, afin que celle-ci devienne, aux yeux de
tous, le gouvernement qui représente la France.
Et que personne ne puisse entretenir le mensonge que les
hommes de Vichy incarnent la France.
Mais regrouper tous les résistants – chaque groupe a sa
vision de l’avenir – est une tâche difficile, et seul un homme
exceptionnel peut l’accomplir.
Dans les dernières semaines de l’année 1941, de Gaulle a
choisi cet homme qui doit être courageux jusqu’à l’intrépidité, patriote jusqu’au
sacrifice, intelligent et visionnaire, et dévoué au général de Gaulle, partageant
ses objectifs. Cet homme, c’est l’ancien préfet Jean Moulin.
Vêtu d’un costume de flanelle grise, d’un imperméable bleu
marine, un chapeau mou sur la tête, un foulard autour de son cou, Jean Moulin
doit être parachuté en France, en zone libre.
Avec lui, un radio – Hervé Montjaret – et un
instituteur lieutenant de réserve – Raymond Fassin – seront largués en
Provence, dans la région des Alpilles.
Jean Moulin connaît bien ce pays et possède une maison dans
le village de Saint-Andiol.
Ce parachutage ne peut s’effectuer que pendant la période de
la pleine lune, qui s’étend du 29 décembre 1941 au 8 janvier 1942.
Mais la tempête souffle et retarde le départ.
Il faut attendre dans le centre de regroupement de Newmarket,
relire une nouvelle fois les faux papiers d’identité, vérifier les armes, les
ampoules de cyanure.
On lit le journal France qui, dans son numéro 3
du 31 décembre, rapporte que, devant le Parlement canadien, Churchill a
rendu hommage au peuple français et fait applaudir le nom du général de Gaulle
et des Forces françaises libres.
L’impatience de Jean Moulin et de ses camarades s’en trouve
accrue.
De Gaulle, qui craint les réticences anglaises devant cette
mission dont ils ont compris l’importance politique, insiste pour que, quelles
que soient les conditions météorologiques – qui peuvent servir de prétexte –,
le bimoteur Armstrong Whitley soit autorisé à décoller.
L’autorisation est accordée pour la nuit du 31 décembre
1941. Un premier avion dépose Jean Moulin et ses deux camarades sur un
aérodrome situé près des côtes de la Manche.
Dernière attente au mess, dernier café, puis embarquement
sur le bimoteur qui décolle peu avant minuit, ce 31 décembre 1941.
L’avion aborde les côtes de la France, alors que se croisent
dans le ciel les feux des projecteurs, les tirs de la défense antiaérienne
allemande et que s’achève l’année 1941.
Dans quelques heures, à l’aube de ce 1 er janvier
1942, Jean Moulin et ses camarades seront largués en France.
Peut-être, en cette première aube de l’année 1942, alors que
le mistral pousse les
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