1941-Le monde prend feu
la ouate, pour finir par les
entourer d’un gros pansement… Dans des cas graves, si le soldat ne pouvait plus
supporter ses souffrances, nous le piquions à la morphine, mais il fallait un
dosage prudent car la morphine expose davantage le corps au froid. C’est
seulement après le dégel complet que les chirurgiens pouvaient décider quelle
partie de chair pouvait encore être sauvée de l’amputation [10] . »
Le soldat de la Wehrmacht souffre, meurt, tue.
Il n’a plus d’états d’âme quant à la mort des autres. Ce qui
reste d’humanité dans son cœur est réservé aux camarades. Car pour survivre, il
faut compter sur eux, les seuls dont on peut attendre qu’ils ne le laissent
jamais en perdition.
C’est August von Kageneck qui l’écrit.
Mais il n’y a pas que cette guerre impitoyable. Dans les
territoires occupés, à l’Est, en Pologne, en Ukraine, dans les pays baltes, en
Russie, ce n’est plus seulement des massacres de Juifs dont il est question
mais de leur extermination.
Les soldats de la Wehrmacht tournent la tête pour ne pas
voir, mais s’il le faut, il leur arrive de prêter main-forte aux tueurs.
Hitler a annoncé au lendemain de sa déclaration de guerre
aux États-Unis que, « concernant la question juive, [il était] décidé à
déblayer le terrain… Les Juifs ont provoqué la guerre mondiale, elle est en
cours, l’anéantissement de la juiverie doit en être la conséquence nécessaire… Nous
ne sommes pas là pour avoir pitié des Juifs mais pour avoir pitié de notre
propre peuple allemand ! Maintenant que le peuple allemand a perdu cent
soixante mille morts de plus sur le front de l’Est, les instigateurs de ce
conflit sanglant vont devoir le payer de leur vie ».
Goebbels
a noté ces propos du Führer tenus à Berlin, lors d’une conférence des chefs
nazis, le 12 décembre 1941. Et Hans Frank, gouverneur général de Pologne, de
retour à Varsovie, traduit la pensée du Führer :
« Les Juifs, liquidez-les vous-mêmes ! Messieurs, je
dois vous armer dès maintenant contre tout sentiment de pitié. Nous devons
anéantir les Juifs partout où nous les rencontrons et partout où cela est
possible, afin de préserver la structure totale du Reich ici. »
Le 18 décembre 1941, Hitler dit à Himmler qu’il faut
considérer les Juifs comme des partisans. Himmler note :
« Question juive. À exterminer en tant que partisans. »
En même temps que Hitler donne ainsi, en cette fin décembre
1941, les ordres concernant la « solution finale de la question juive »,
le Führer renouvelle la consigne de ne pas reculer.
« Acharnement fanatique, volonté irréductible », répète
le général Blumentritt, mais il donne raison au Führer.
« Hitler a compris d’instinct que tout recul à travers
ces déserts de neige et de glace aurait entraîné l’effritement du front et
partant une déroute comparable à celle de la Grande Armée de Napoléon… »
Hitler n’accepte d’ailleurs aucun avis différent du sien.
Il insulte, punit, destitue, condamne à mort ceux de ses
généraux qui plaident en faveur de la retraite.
Von Rundstedt, von Bock, Guderian, Hoepner sont relevés de
leur commandement.
Le général Hans von Spoeneck, qui a dirigé l’assaut contre
les Pays-Bas en mai 1940, est traduit en conseil de guerre, dégradé, condamné à
mort.
Le général Keitel est insulté. Von Brauchitsch, chef d’état-major,
est qualifié de « capon vaniteux, de crétin, de polichinelle » et
démis de son poste.
Le 10 décembre, Hitler annonce au général Halder qu’il
prend lui-même le commandement suprême des forces armées du Reich.
« Le rôle du chef militaire suprême est de dresser les
armées selon l’idéal national-socialiste, dit Hitler. Aucun de mes généraux n’est
capable de le remplir comme je veux qu’il soit. En conséquence, j’ai décidé de
prendre la barre moi-même. »
Mais « le désastre continue », écrit le général
Gotthardt Heinrici à sa femme, le soir de Noël 1941.
« Au sommet, à Berlin, tout en haut de la pyramide, personne
ne veut l’admettre… Pour des raisons de prestige, personne n’ose reculer
franchement. Ils ne veulent pas accepter le fait que leur armée est déjà
complètement encerclée devant Moscou. Ils refusent de reconnaître que les
Russes soient capables d’accomplir une telle chose. Alors ils se jettent dans l’abîme,
complètement
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