1941-Le monde prend feu
Washington de Londres.
Ni empêcher que les deux molosses, l’Allemagne nazie et la
Russie soviétique, n’en viennent à s’entrégorger. Et la Russie, comme en 1914, apporterait
le complément de sa masse aux Alliés. Il fallait donc que la France Libre soit
présente dans la Grande Alliance qui allait se constituer.
Pour cela, la France devait être présente sur tous les
fronts, au côté des Alliés.
De Gaulle, dans le froid humide de cette journée du mercredi
1 er janvier 1941 qui commence, se souvient de ces hommes, le
colonel Leclerc, le capitaine Massu, le gouverneur général Éboué, qui ont fait
basculer des parties de l’Empire français dans la France Libre.
Certes, ni l’Afrique du Nord ni Dakar ne l’ont rejointe. Et
c’est douleur, obsession. Mais les Nouvelles-Hébrides, le Tchad, l’Oubangui, le
Congo, les établissements français d’Océanie des Indes, la Nouvelle-Calédonie, constituent
déjà une « Grande France », un « Empire français libre ».
Il faudra prendre pied en Syrie, au Liban, dans tous les
territoires restés aux mains des hommes de Vichy. Et de Gaulle sait bien que
les Anglais se satisfont de cette situation, pensant rafler la mise coloniale à
une France divisée et affaiblie.
Car la « Grande Alliance » qui se dessine est
pleine d’arrière-pensées et d’appétits.
Londres soutient de Gaulle et lorgne l’Empire français. Washington
soutient Londres, et veut en faire une vassale plutôt qu’une égale.
Quant à Staline, s’il est contraint d’entrer dans la guerre,
ce sera avec l’ambition d’atteindre les objectifs de la Russie impériale :
les mers chaudes du Sud, la Baltique au nord, et l’influence dans les Balkans
et en Europe centrale.
Et l’on se bat déjà dans toutes ces régions, où le grand
acteur allemand n’est pas encore intervenu.
Ce sont les Italiens, en dépit des réticences de Hitler, qui
ont envahi la Grèce avant d’être refoulés. En Afrique, leurs troupes, à partir
de la Libye et de la Cyrénaïque, puis de l’Éthiopie, ont avancé vers l’Égypte, mais
les contre-offensives anglaises les ont défaites. Plus de cent mille soldats
italiens ont levé les bras après avoir abandonné leurs armes ! Que va
faire l’Allemagne ? Intervenir pour sauver son allié, mais quand ?
Or la France est déjà là, derrière les drapeaux des Forces
françaises libres, quelques milliers d’hommes – et souvent seulement
quelques centaines – en Érythrée, en Libye, en Égypte.
La France Libre n’existe que si elle se bat, que si son
drapeau à croix de Lorraine flotte sur tous les champs de bataille. Contribution
symbolique ? Et même si ce n’était que cela ?
L’Histoire est faite de symboles.
De Gaulle s’est rendu à Plymouth et à Portsmouth afin d’inspecter
les goélettes, Étoile et Belle-Poule , sur lesquelles ces élèves
officiers des Forces navales françaises libres apprennent l’art de la
navigation.
Parmi ces jeunes hommes, il y a Philippe, son fils.
L’air froid, salé, fait voleter les cols marins, les pavillons
à la croix de Lorraine. Les clairons sonnent. De Gaulle s’adresse à ces jeunes
hommes, sans regarder Philippe, mais c’est à lui qu’il parle.
Il dit à l’amiral Muselier, l’un des rares officiers qui l’aient
rejoint :
« Ce début de regroupement de la marine française dans
la guerre vous fait grand honneur, je vous en félicite. »
Mais il se souvient de Mers el-Kébir, de l’impitoyable
logique britannique qui, le 3 juillet 1940, fit bombarder et détruire la
flotte française ancrée dans la rade d’Oran, impuissante.
De Gaulle sait qu’il ne faut jamais oublier que « les
Anglais sont des alliés vaillants et solides mais bien fatigants ».
Leurs agents agissent en France sans en avertir les
résistants et les envoyés de la France Libre.
Il y a rivalité entre les services secrets britanniques et
ceux de la France Libre, dirigés par le Bureau Central de Renseignement et d’Action
(BCRA).
Et de même, les Anglais conservent pour eux seuls la
maîtrise des informations obtenues en décryptant les messages secrets allemands
grâce à une machine à crypter et à décrypter – Enigma – mise
au point essentiellement par des Français et des Polonais, et utilisée par les
services de renseignements de l’armée française, fidèles à Pétain mais
anti-allemands…
Il faut veiller à chaque seconde aux
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