1941-Le monde prend feu
imaginer ce que c’est. J’espère sortir le gros de mes
forces et m’arrêter quelque part. Peu de munitions et de carburant, pas d’appui
aérien. Conditions exactement inverses chez l’ennemi. Assez sur ce sujet… »
Mais les Britanniques ne réussiront pas à couper la retraite
de Rommel qui, pour la première fois, reçoit deux compagnies de chars
italiennes et des batteries allemandes ainsi que du ravitaillement.
Le 23 décembre, Rommel peut écrire à sa « très
chère Lu » :
« Il semble que nous allons réussir à nous soustraire à
l’enveloppement et à ramener le gros en arrière. Ce sera pour moi un grand Noël
si nous y parvenons vraiment. Comme on devient modeste !
« Inutile bien entendu de chercher à s’appuyer sur le
haut commandement italien. Il y a longtemps qu’il se serait fait prendre avec
toutes ses forces. »
C’est le 25 décembre 1941.
« J’ai ouvert mon colis hier soir dans ma voiture et j’ai
été enchanté de trouver vos lettres, celles de Manfred [le fils de Rommel] et
les cadeaux.
« J’en ai immédiatement porté quelques-uns, la
bouteille de champagne en particulier, dans la voiture du 2 e bureau
où je l’ai bue avec le chef de celui-ci et ceux des 1 er et 3 e bureaux.
La nuit s’est passée calmement. »
Mais la situation de l’ Afrikakorps reste difficile.
« Les divisions italiennes nous donnent bien du souci, écrit
Rommel. Elles montrent des signes alarmants de désintégration et les troupes
allemandes doivent se porter à leur aide un peu partout. »
« Je vais en ligne tous les jours, explique-t-il. Je
regroupe et j’organise nos forces. J’espère que nous allons réussir maintenant
à faire front. »
Rommel craint que les Britanniques ne lancent contre lui
leurs blindés et ne lui coupent la retraite. Mais les Anglais ont chaque jour
plus de difficultés à approvisionner leurs troupes en munitions, en carburant.
Le général Auchinleck est ainsi contraint d’arrêter ses
chars, de laisser l’ Afrikakorps se faufiler entre les mailles des unités
anglaises.
« Rommel, dit Auchinleck, est grandement aidé par la
remarquable souplesse de l’organisation de son ravitaillement. »
Le 30 décembre 1941, Rommel écrit :
« Très chère Lu,
« Hier, violents combats qui ont bien tourné pour nous.
Leur nouvelle tentative pour nous encercler et nous acculer à la mer a échoué.
« Il pleut, et les nuits sont terriblement froides et
venteuses. Je demeure en parfaite santé, dormant autant que je le peux. Vous
comprendrez assurément que je ne peux partir d’ici en ce moment. »
Rommel a réussi à éviter l’encerclement. Il peut, avec ses
troupes, protéger la Tripolitaine.
Le 31 décembre 1941, il écrit à sa femme et à leur fils :
« Aujourd’hui, dernier jour de l’année, mes pensées
sont plus que jamais avec vous deux, qui êtes pour moi tout le bonheur sur la
terre.
« Mes vaillantes troupes viennent d’accomplir des
efforts presque surhumains.
« Au cours des trois derniers jours où nous avons
attaqué, l’ennemi a perdu cent onze chars et vingt-trois autos blindées. Les
difficultés malgré lesquelles ce beau succès a été atteint défient toute
description. En tout cas, c’est une belle conclusion pour 1941 et cela donne de
l’espoir pour 1942.
« Je vais très bien.
« Un jeune coq et une poule se sont bien habitués à
cette existence de bohémiens et circulent librement autour de la voiture.
« Je vous envoie à vous deux mes meilleurs souhaits
pour 1942. »
44.
À la fin de ce mois de décembre 1941, la nostalgie du
général Rommel qui songe à sa femme et à leur fils est un privilège.
Car des millions d’humains, combattants mais aussi civils –
hommes, femmes, enfants –, agonisent dans cet enfer qu’est la guerre,
« cruelle et sombre », comme l’écrit Karl Lemberg, un Oberleutnant de
la Wehrmacht, recroquevillé dans une isba qui le protège du froid. Mais pour
combien de temps ?
Il se souvient de ce qu’il a vu, accepté, accompli, subi, depuis
qu’il a pénétré, avec les premières unités, le 22 juin, dans les
territoires contrôlés par les Russes.
Il a découvert que, derrière les troupes, des groupes d’intervention
du service de sécurité SS et des bataillons de police tuaient les Juifs, ou
bien poussaient les populations locales à organiser des pogroms sanglants. Ukrainiens,
Baltes, qui avaient
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