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1942-Le jour se lève

1942-Le jour se lève

Titel: 1942-Le jour se lève Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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convocation d’avoir à se
présenter à la direction du personnel du ministère de l’intérieur.
     
    Jean Moulin n’a pas hésité.
    Il est un préfet révoqué depuis la fin de l’année 1940. Laval
connaît ses opinions politiques, Moulin doit donc les revendiquer, mais, comme
un fonctionnaire légaliste qui respecte le pouvoir en place, et n’est plus qu’un
« spectateur » de l’action politique.
    Il vient d’ailleurs de louer une boutique à Nice, qu’il
compte transformer en galerie de peinture. Ce sera sa couverture. Et il pourra
ainsi poursuivre son œuvre clandestine. Rencontrer les chefs des grands réseaux
de la Résistance, Emmanuel d’Astier de La Vigerie du mouvement Libération ,
Henri Fresnay et Claude Bourdet pour Combat, Jean-Pierre Lévy pour Le
Franc-Tireur. Il voit aussi les communistes du Front national.
    Il tisse des liens avec tous ceux qui n’acceptent pas la
collaboration, que révulsent les propos de Laval : « Je souhaite la
victoire de l’Allemagne. »
     
    Dans l’antichambre, Moulin voit passer l’un de ses collègues,
préfet révoqué lui aussi en 1940. Mais point de démonstration d’amitié devant
les huissiers. Un simple échange de regard suffit à dire la complicité des
opinions et des situations.
    Un huissier déjà s’avance, introduit Moulin dans le bureau
de Laval.
    La poignée de main se veut chaleureuse, mais la main est
molle et moite.
    « Vous êtes un préfet républicain », commence
Pierre Laval.
    L’homme a une figure basanée, un visage lourd sans ligne de
force, une voix sourde qui roule les syllabes, un discours qui tente de créer
une connivence.
    « Ne laissez pas croire à la population, reprend Pierre
Laval, que l’on met à profit les malheurs de notre pays pour changer l’ordre
naturel des choses… Vous êtes un préfet républicain, allons, quel poste
voulez-vous ? »
    Moulin n’hésite pas.
    — Je vous remercie de votre offre, mais je ne suis
vraiment pas d’accord avec votre politique. Je ne puis donc faire semblant de m’y
associer. Je ne formulerai qu’un seul vœu. Vos prédécesseurs m’ont révoqué en
1940, sans pension, ce qui est injuste. Je n’ai commis aucune faute. Je vous
demande de rapporter cette mesure et de me mettre à la retraite.
    — Je préfère ce langage à bien d’autres, dit Laval.
    Il allume une cigarette, qu’il laisse pendre au coin de sa
bouche.
    Les yeux plissés, il dévisage longuement Jean Moulin. Puis
il dit :
    — Vous êtes libre. Je ne veux forcer la conscience de
personne. Je vais donner l’ordre de vous accorder le droit à la retraite.
     
    Laval est-il dupe ?
    Moulin ne s’interroge qu’un instant. Il doit agir comme si
ses paroles, chacun de ses gestes, de ses voyages étaient épiés.
    Or le moment est décisif, plus que jamais l’avenir de la
France, sa place « à la table des vainqueurs », comme dit de Gaulle, dépendent
de l’attitude de la Résistance intérieure, de ces hommes et de ces femmes qui
ont créé des réseaux, qui sont fiers de leur rôle, qui ne veulent pas se voir
soumis à une autorité – fût-elle celle de De Gaulle – qu’ils n’auraient
pas librement choisie.
    Il faut donc les rencontrer un à un, les convaincre.
    Et c’est la mission de Jean Moulin.
     
    On se rencontre à Lyon, sur les quais du Rhône.
    On se retrouve dans des appartements dont on ne connaît l’adresse
qu’au dernier moment.
    On tisse inlassablement des liens.
    On développe le Noyautage des Administrations Publiques (NAP).
    On organise la « réception », sur des plateaux, des
champs éloignés de toute habitation, des émissaires de Londres.
    Ils sont parachutés, ou bien ils sautent d’un Lysander, cet
avion qui se pose tous feux éteints, fait un demi-tour, embarque deux ou trois
passagers pour Londres et, sans avoir arrêté le moteur, redécolle.
    Parfois, on se rend dans une crique de la côte
méditerranéenne, souvent proche de Saint-Tropez. On saute dans une barque de
pêcheur qui vous conduit jusqu’à un sous-marin britannique prêt à plonger. Il
embarque les deux ou trois émissaires de la Résistance jusqu’à Gibraltar et, de
là, un avion les transporte à Londres.
    Et de Gaulle les reçoit.
     
    Moulin resté en France a préparé la rencontre.
    Il faut faire comprendre à ces hommes, qui risquent leur vie
pour la victoire de la France, que celle-ci ne sera possible que si les réseaux
de la Résistance se rassemblent autour du

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