1942-Le jour se lève
nous poloniser nous-mêmes », disent-ils.
Laval va les rassurer, promet qu’« aucune sanction même
légère ne sera appliquée sans un débat devant le Conseil des ministres ».
En fait, Laval abdique, en ce début du mois de septembre 1942,
ce qui restait d’apparence de souveraineté gouvernementale. Vichy n’est plus qu’une
façade, un paravent.
L’amiral Darlan et le général Bridoux – secrétaire d’État
à la Guerre – acceptent que des policiers allemands munis de cartes d’identité
françaises circulent en zone libre à la recherche de postes de radio-émetteurs
clandestins. En échange, les Allemands promettent de laisser augmenter de 50 000 hommes
l’Armée de l’armistice.
Et
c’est René Bousquet, secrétaire général de la police, qui va fournir à 280 policiers
allemands de « vrais » faux papiers d’identité.
Ces policiers, ayant à leur tête le contrôleur de la police
allemande Boemelburg, vont à Lyon, à Marseille, à Toulouse procéder à des
arrestations de radios de la Résistance, et même à leur exécution immédiate.
« Je n’aime pas beaucoup ce genre d’affaires », confie
Laval à René Bousquet, mais il laisse faire, entraîné chaque jour plus avant
dans une collaboration meurtrière et qui n’est qu’un masque ne faisant plus
illusion.
Mais Laval s’obstine, fait l’éloge de la Relève – travail
français contre sang allemand, ouvriers contre prisonniers libérés.
Qui peut encore croire à ce volontariat… obligatoire ?
Les journaux publient sur ordre, le 20 octobre 1942, en
gros caractères, un appel aux ouvriers français :
« Le grand devoir des travailleurs
Envers la France et l’Europe
Tout Français appelé à travailler en Allemagne
Qui se dérobe à cette obligation
Porte préjudice à sa patrie
À sa famille
À ses camarades
Et à lui-même. »
Mais dans la longue suite des quatorze paragraphes qui
complètent cet appel, on retient l’avant-dernier qui déclare :
« Afin d’éviter de graves ennuis, tout ouvrier français
doit dès réception de l’avis se présenter de façon conforme au lieu et dans le
délai indiqués. »
Et dans le discours qu’il prononce ce même 20 octobre
1942, Laval, de sa voix faubourienne, rappelle que « le gouvernement est
résolu à ne pas tolérer les résistances individuelles ou concertées de patrons
et d’ouvriers qui resteraient sourds à ses appels ».
Ils seront des dizaines de milliers à se dérober, à gagner
les régions reculées, villages de montagne ou de vallée, massifs alpins ou
Massif central, Savoie ou Auvergne. Là, en ces mois de l’automne 1942, commencent
à naître des noyaux de réfractaires, qui seront les combattants de demain.
De Gaulle comprend que ces semaines de l’automne 1942
marquent une rupture dans la période qui a commencé avec l’armistice de juin
1940.
Le 20 octobre, il prononce à la radio de Londres un
discours qui répond aux propos de Laval, ce même jour, et à l’appel publié par
les journaux collaborateurs.
« La France, dit-il d’une voix forte, sent dans le
fébrile acharnement des traîtres quelque chose de désespéré, elle passe à la
résistance générale… Dans l’affaire des ouvriers spécialistes réclamés par M. Hitler,
la conduite de la nation française prouve au monde tout entier que notre peuple
est engagé dans le combat actuellement le plus nécessaire : je veux dire
dans la révolte contre les chefs de trahison.
« La trahison, c’est-à-dire Vichy !
« Ce combat reclasse la France à son rang parmi les
nations…
« Dans cette guerre totale, la volonté d’une grande
nation, fût-elle pour l’instant enchaînée, est une force énorme qui peut
devenir décisive, surtout quand c’est la volonté de la France…
« Contre la trahison, c’est-à-dire Vichy, c’est-à-dire
“le Père la défaite”, marchons au même combat, du même pas, derrière le même
drapeau.
« Un jour, je vous le promets, nous nous confondrons
tous ensemble dans la même foule immense et fraternelle de la victoire. »
29 .
La Victoire de la France !
C’est à elle que pense Jean Moulin, ce samedi matin 23 mai
1942, à Vichy, alors qu’il attend dans l’antichambre de celui qu’on appelle
monsieur le président, c’est-à-dire Laval, qui cumule les fonctions de chef du
gouvernement et de ministre de l’intérieur.
Et Jean Moulin a trouvé une
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