1942-Le jour se lève
engagé
dès juin 1940 aux côtés de De Gaulle, Daniel Cordier. Et il veut créer une
Armée Secrète (AS), dont le chef, désigné par l’ensemble des mouvements de
résistance, sera le général Delestraint.
Moulin le rencontre place Carnot, à Lyon, dans la douce
chaleur d’un après-midi de l’automne 1942.
Delestraint a les apparences d’un paisible retraité. Il est
petit, ses pas et ses gestes sont vifs, sa voix nette.
Les deux hommes devisent en marchant dans les allées des
jardins de la place.
— Vous savez, dit Delestraint, j’ai eu le général de
Gaulle sous mes ordres lorsque je commandais ma division cuirassée. Il était un
remarquable chef de corps.
— Accepteriez-vous de vous placer sous ses ordres ?
— La question ne se pose pas, c’est la seule voie de
dignité qui nous reste.
— Cette armée secrète, mon général, doit devenir l’instrument
de reconquête de la France dans le cadre d’un plan d’ensemble élaboré par les
forces alliées avec l’accord de De Gaulle.
— Je vous entends.
— M’autorisez-vous à présenter votre nom pour cette
tâche qui comporte de très grands risques ?
— La vocation d’un officier est d’accepter le danger. Quant
à votre question, agissez comme vous le pensez.
Le 9 octobre 1942, à Londres, dans les locaux de la
France Libre, les représentants de De Gaulle – le colonel Billotte, Passy,
Brossolette – et ceux de la Résistance – d’Astier, Frenay – choisissent
comme chef provisoire de l’Armée secrète le général Delestraint.
Il entre dans la clandestinité de la Résistance sous le
pseudonyme de Vidal.
Il sait que ce choix engage sa vie.
En France, Moulin, lorsqu’il apprend la nouvelle, est
satisfait.
L’œuvre d’unification des forces de la Résistance progresse.
Il lit dans Libération – le journal clandestin du mouvement d’Emmanuel
d’Astier de La Vigerie :
« Nous ne voulons pas distinguer la gauche de la droite,
le patron de l’ouvrier, le commerçant de l’employé, seuls sont qualifiés pour
mener la Résistance, pour arracher la Victoire, les hommes de là-bas et d’ici
qui ont su rester des Français Libres.
« Pour nous, tout en réservant notre liberté pour l’avenir,
nous constatons qu’à l’heure présente, il n’y a qu’un seul mouvement, celui de
la France Libre, qu’un seul chef, le général de Gaulle, symbole de l’unité et
de la volonté françaises. »
30 .
De Gaulle répète ces mots « unité, volonté françaises »,
qu’il vient de lire en tête de l’éditorial du journal clandestin Libération.
Il est satisfait de cette évolution – si lente, si
lente – des mouvements de résistance, à son endroit et à l’égard de la France
Libre. Mais il lui semble que la situation militaire n’a jamais été aussi
périlleuse. Elle lui rappelle le printemps 1940, ou bien le moment du
déclenchement de l’offensive contre la Russie, le 22 juin 1942.
« La guerre traîne en longueur son cortège de douleurs
et de déceptions », dit-il.
Mais ce n’est pas le plus grave.
La guerre est depuis toujours une tragique suite meurtrière.
Ce qui inquiète de Gaulle, c’est que – et il le dit
dans un discours, parce que la lucidité est la mère de la volonté – « la
balance reste en équilibre. Le sort demeure suspendu ».
Il y a l’Afrikakorps de Rommel qui s’accroche à ses
positions face à El-Alamein, et les Britanniques de la 8 e armée
commandés par Montgomery tardent à passer à l’offensive. Il y a surtout le front
russe.
Malgré l’ordre du jour de Staline diffusé le 30 juillet
1942 et donnant pour consigne de ne plus faire un pas en arrière, les armées
allemandes progressent dans le Caucase, et en direction de Stalingrad.
Les Allemands paraissent avoir retrouvé cette euphorie qui
les poussait en avant, il y a un an, lors de la mise en application du plan Barbarossa.
Il s’agit maintenant de l’ Opération bleue : il
faut conquérir et raser Stalingrad, cimetière pour les armées russes et la
population.
Des généraux allemands – Weichs et surtout Paulus, commandant
la VI e armée – prétendent avoir fait part de leurs
réserves au Führer en se rendant auprès de lui à son nouveau quartier général
de Vinnytsia.
Hitler les a-t-il seulement entendus ?
Ont-ils osé élever la voix quand le Führer leur a dit :
« Stalingrad, c’est une affaire d’une
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