1943-Le souffle de la victoire
complices !
Il constate sans surprise que Staline, qui sait être urbain
et charmeur, brutalise ses collaborateurs, traite le maréchal Vorochilov comme
un chien : comment se fier à un tel tyran ? Roosevelt est un naïf.
Lorsque Roosevelt, sujet à un malaise, est contraint de se
retirer, Churchill et Staline restent face à face. On s’observe. On se défie. Le
Premier ministre britannique répète que Dieu protège les Alliés.
« Le diable est avec moi, dit Staline tout sourires, Dieu
est un bon conservateur, le diable est un communiste. »
Le 29 novembre, Churchill, en uniforme de la Royal Air
Force, offre à Staline de la part de Sa Majesté George VI une épée où sont
gravés les mots :
« Au courage héroïque des citoyens de Stalingrad, en
signe d’hommage du peuple britannique, ce cadeau du roi George VI. »
Staline paraît ému, passe l’épée à Vorochilov qui laisse
tomber le fourreau, et Staline l’assassine d’un regard.
Puis les discussions reprennent, tendues, entre Staline et
Churchill.
Le tyran géorgien menace de se retirer parce que l’engagement
de Churchill à propos de l’ouverture du second front lui paraît incertain !
Staline se lève.
« Ne perdons plus notre temps ici, rentrons, dit-il à
Vorochilov, nous avons suffisamment à faire sur le front. »
Il n’accepte de rester qu’à la condition qu’on nomme un
général en chef, commandant les troupes d ’Overlord.
Il se montre inflexible, fumant sans arrêt et dessinant avec
son crayon rouge des têtes de loup sur son carnet.
Roosevelt promet de choisir dès le lendemain de la
conférence le général américain chargé d ’Overlord.
Aussitôt Staline redevient aimable, et le sera tout au long
du banquet somptueux qu’il offre à sa résidence.
Mais les amabilités de Staline sont comme les dragées, enrobées
de sucre et fourrées de poison.
En levant son verre, Staline déclare ainsi :
« Toute la puissance des armées allemandes reposant sur
quelques 50 000 – ou peut-être 100 000 – officiers, il
suffira de les faire fusiller pour extirper définitivement le militarisme
allemand. »
Churchill, qui a toujours pensé que Staline a donné l’ordre
de tuer, à Katyn, des milliers d’officiers polonais, s’indigne.
« Le Parlement et l’opinion britanniques ne toléreront
jamais des exécutions de masse, dit-il.
— Il faudra en fusiller 50 000 ou 100 000 »,
répète Staline. Churchill bondit, exaspéré, indigné.
« J’aimerais mieux qu’on me fusille, ici et maintenant,
dans ce jardin, plutôt que de souiller l’honneur de mon pays et le mien propre
par une telle infamie. »
Roosevelt, sur un ton moqueur, lance :
« J’ai un compromis à proposer, qu’on en fusille non
pas 50 000 mais 49 000 ! »
Le fils du président des États-Unis, Elliott, d’une voix
hésitante d’ivrogne, approuve Staline, déclare que de toute façon les 50 000
ou 100 000 officiers mourront dans les combats !
Staline trinque avec lui.
« À votre santé, Elliott ! »
Churchill quitte la pièce, lançant à Elliott :
« Comment osez-vous ? On dirait que vous faites
tout pour briser l’entente entre les Alliés. »
Churchill raconte qu’au moment de franchir la porte, on lui « tape
sur l’épaule. C’est Staline, flanqué de Molotov, qui me fait un grand sourire m’assurant
que tout cela n’est qu’une blague. »
Churchill se laisse convaincre et Staline fait rire tous les
convives en lançant :
« Viens Molotov, raconte-nous comment tu as signé en
1939 le pacte avec Hitler ! »
Plus tard, Churchill regagne ses appartements, d’un pas
lourd, la tête baissée.
Cette soirée lui laisse un sentiment d’amertume. Roosevelt s’est
rangé du côté de Staline, de ce tyran criminel, qui a été et qui sera toujours
une menace pour la démocratie.
Il pense au massacre de Katyn, à l’avenir des Polonais.
« Le Premier ministre, note le médecin de Churchill
dans son Journal , est consterné par sa propre impuissance. »
Le lendemain soir, 30 novembre, on fête à l’ambassade
britannique le soixante-neuvième anniversaire de Churchill et la fin de la
conférence. Staline et Roosevelt célèbrent le courage et l’obstination de
Churchill, grand inspirateur de la croisade contre le nazisme.
Staline est détendu, joyeux.
Il l’a emporté.
Overlord sera lancé au printemps de 1944.
Il ne s’est
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