22 novembre 1963

cheveux et ses vêtements, glaçant son corps déjà engourdi. Il comprit enfin ce que c’était. « La pluie », se dit-il, et sourit, comme à l’annonce d’une bonne nouvelle. Il partait et il lui fallait prendre quelque chose avec lui, quelqu’un, il ne savait plus – Munirah, qui était aussi Églantine, collait contre sa joue une joue froide et mouillée de larmes. « Ne pleure donc pas, fillette, je suis là. Munirah kahla bezzaf. Je suis là, fillette. Ne pleure plus. Cette fois-ci je t’emmène avec moi. » Il croyait monter.
    Ô seul Ami, tout est dépassé.
    Longtemps encore la pluie battit les montagnes, faisant couler des torrents le long des rochers, lavant de son sang et de sa sueur le grand corps noir étendu sur les pierres. Il était roide et glacé, la main gauche se crispait sur sa croix de fer, l’œil unique était grand ouvert, la bouche aussi ; la barbe ruisselante d’eau collait au menton.
    Sur ces immenses pentes rocheuses couvertes de ronces grises , il était la seule tache sombre et paraissait aussi petit qu’une fourmi. Deux bergers surpris par la pluie ramenaient en hâte leur troupeau le long de la vallée ; ils s’arrêtèrent un instant pour regarder, de la paume protégeant leurs yeux contre la pluie. Ils se dirent que ce devait être un âne égaré qui se serait brisé sur les rochers, et continuèrent leur route, se serrant dans leurs capes de laine blanche.