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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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riait pas ? Ta mère est laide, il me disait ; et puis la mienne est belle, voilà ce qu’il me disait. » Là elle se passa la main sur les yeux, et cracha encore.
    « Ah ! N’importe. Mais ne vous y fiez pas, à Ernaut, ne vous liez pas avec lui. Il n’aura pas de bonheur, je vous le dis. Il finira mal. J’ai l’œil à ça. » Haguenier connaissait trop sa sœur pour essayer de discuter.
    « Et la dame, Niot ? demanda-t-elle brusquement, vous avez pensé à la dame ? Pour son écharpe ?
    — Dieu ! Ne m’en parlez pas. Je voudrais mourir quand j’y pense. Voilà l’écharpe, rapportez-la-lui, je n’ose même pas la voir elle-même. Je ne peux pas écrire, mais je vous dicterai une lettre pour elle. Elle est très en colère ?
    — Mais non, mon Niot, elle sait bien que ce n’était pas de votre faute. Vous savez bien vous battre, je m’y connais, moi, et elle s’y connaît aussi ; elle a du chagrin, elle dit qu’elle vous a porté malheur.
    — Elle est bien bonne, dit le jeune homme, mais elle le dit par courtoisie. Elle doit me mépriser. » Aielot se fit apporter de l’encre et un rouleau de papier, et s’installa pour écrire. Haguenier lui dicta sa lettre du mieux qu’il put, il était, disait-il, malade et mort de douleur et de honte, et il souffrait du corps, mais mille fois plus de l’âme, parce qu’il n’avait pas su se montrer digne de la dame, il en accusait le sort et ses ennemis, car pour le bon vouloir, il en avait plus qu’il ne faut ; mais il ne se sentait plus digne de servir la dame, et ne savait pas si elle voudrait encore le garder à son service. Il termina en disant qu’il allait sûrement mourir si la dame ne lui pardonnait pas.

« Je lui donnerai cela aujourd’hui, dit Aielot, et demain elle repart pour Mongenost. Mais je vous apporterai une bonne réponse, soyez-en sûr. »
    Herbert, furieux de l’échec de son fils, avait fait battre de verges le chef de ses écuries, pour le punir d’avoir mal surveillé le cheval. Déjà on parlait à l’hôtel d’un petit homme gris qu’on aurait vu se faufiler dans la cour la veille du tournoi. De fait, personne ne l’avait vraiment vu, mais après coup tout le monde croyait s’en souvenir ; on le supposait envoyé par le comte de Bar, ou encore par le chevalier Jean de Chassenay qui avait une dent contre Herbert. Et Herbert devait en garder pour toujours rancune à ces deux hommes. Au fond, il était beaucoup plus fâché contre son fils qu’il ne voulait le laisser voir. Il fallait bien, pour sauver la face, faire semblant de croire qu’il s’agissait d’un sort, et que le jeune homme n’y était pour rien. Mais son orgueil était mis à une rude épreuve, il se sentait ridicule d’être obligé de célébrer avec une telle pompe la chevalerie d’un garçon qui lui avait valu une pareille humiliation.
    Aielot rapporta à son frère l’écharpe pourpre avec la réponse de Marie : la dame ne lui voulait pas de mal pour le tournoi, mais elle était très fâchée de le voir renvoyer l’écharpe par sa sœur au lieu de la rapporter lui-même ; il devait lui remettre ce gage en mains propres et ne pas se cacher d’elle comme un lâche.
    « Ernaut, beau frère, voilà quatre jours que je suis couché, et mon épaule est presque remise. Et nous partons pour Hervi dans deux jours. Je mourrai si je ne trouve pas moyen de sortir avant. C’est pour un service à rendre à ma dame. Si vous pouvez vous coucher dans le lit à ma place et faire semblant de dormir pendant une heure ou deux, d’ici là je serai loin. Si le père vous gronde, vous lui direz qu’autrement je me serais tué. » Ernaut consentit, parce qu’il savait la dame de Mongenost très belle et très renommée : Haguenier eût été fou de ne pas lui obéir.
    Haguenier monta tant bien que mal sur le cheval d’Ernaut et quitta la ville aussi vite qu’il put. Il y avait trois lieues à faire jusqu’à Mongenost, mais les routes étaient encombrées et il y mit bien deux heures. Quand il frappa à la porte du château le portier, de sa guérite, lui demanda ce qu’il voulait : le seigneur n’etait pas rentré de Troyes. « Ami, dit Haguenier, je viens de la part de la dame de Pouilli, je veux voir votre dame. — Entrez, dit l’homme. La dame est au jardin ; mais si jamais par hasard vous étiez des gens du comte de Bar je vous préviens qu’elle vous mettra à la porte : elle l’a déjà fait hier. »
    Marie avait

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