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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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avec une telle brusquerie qu’il manqua de lui faire renverser sa coupe. « Eh quoi ! Drôle. As-tu vu la fée Morgue ? Ou as-tu envie d’une volée de bois vert ?
    — Mon seigneur, pitié. Je suis Macaire, le porcher de Bernon.
    — Ah !… Macaire – mais oui, tiens !Macaire. Mais oui, que diable, je te reconnais. Que me veux-tu ?
    — Mon seigneur, par pitié. Ne permettez pas que les gens d’ici se moquent de moi. Démariez-moi, mon seigneur. »
    Herbert était de trop bonne humeur pour se fâcher. « Eh quoi, dit-il, c’est donc une telle honte, pour toi, d’être mon beau-frère ? Tu es bien difficile. Voilà monseigneur de Buchie qui l’est depuis longtemps et ne s’en plaint pas trop. » Il se tourna vers le vieux baron pour lui expliquer le sens de cette plaisanterie : « J’ai une sœur à moi – de la main gauche – que j’ai été obligé de marier avec ce drôle. Mais quoi, je ne suis pas fier. C’est un brave garçon. » Il donna une forte tape sur l’épaule de Macaire : « Bois avec nous, fils de chienne. Attends : feu ton père gardait les chevaux à Seuroi, tu l’aidais étant petit, je me souviens de toi. Veux-tu que je te fasse palefrenier ? Avec la dot de ta femme ce ne sera pas une mauvaise place, on te traitera toujours mieux que si tu restes porcher. Tu auras la place du vieux Joubert.
    — Grand merci, mon seigneur – Macaire tomba à genoux et baisa le pan de la robe d’Herbert – mais, pour Dieu, démariez-moi ! » Herbert, agacé, le repoussa d’un coup de pied au menton. « Eh quoi, suis-je un évêque ? Je t’ai marié, c’est dit c’est fait, je n’y peux plus rien. Va-t’en avant que je me fâche. – Mon seigneur, dites-moi de revenir à Bernon, j’ai ma mère là-bas. » Herbert fit un mouvement de l’épaule et porta la main à son couteau. Macaire n’attendit pas la suite, et s’enfuit à toutes jambes.
    Herbert le suivit des yeux un instant, rêveur. La femme de ça ? Bien sûr, il n’eût jamais trouvé de meilleur moyen pour se guérir de sa folie. « Et j’aime autant, se disait-il, qu’il n’ait pas profité de mon offre, cela m’eût fait mal au cœur, de voir un tel abruti toucher à mes chevaux. »
    Macaire, revenu dans la cour, jurait et crachait et se tirait les cheveux sur les tempes, de fureur. Ses camarades essayaient de le consoler « Tu es bien bête, Macaire, pour démarier un homme il faut un évêque et même le pape, tu ne vois pas le pape se déranger pour toi. — Ne pleure donc pas, fils, la honte n’est pas grande quand elle nous profite, c’est encore le Gros qui est volé, puisqu’il est obligé de te payer la dot. — La dot ! disait Macaire, la dot ! Qu’ai-je à faire de son argent, moi ? Suis-je un homme libre ? Qu’ai-je à faire de son argent ? De la pâtée pour mes porcs ? J’ai ma promise, à Bernon. » Les autres riaient aux éclats. «  Voyez donc ce beau gaillard ! Et il pense encore à des promises, avec cette tête de porc qu’il a. C’est une truie qu’il te faudrait, comme promise. Va, bois un bon coup, c’est encore ce qu’il y a de mieux. » Macaire vida quatre coupes l’une après l’autre, s’essuya la barbe et cracha par terre. « Ma promise, je vais vous la faire voir, moi, il y en aura une au moins qui ne rira pas ce soir, ça non. » Il avait la voix pâteuse et le souffle rauque de fureur.
    Et Macaire alla arracher la couronne de jonquilles du front d’Églantine, et lui cingla le visage de branches de saule. Les autres jeunes filles, le voyant ivre, s’étaient mises devant la demoiselle pour la protéger, il les frappa aussi. « Tas de putains, c’est ma femme, c’est le Gros qui me l’a donnée, on a été mariés par le prêtre. Je suis le beau-frère du Gros, moi, tout comme le seigneur de Buchie. »
    Et il emmena sa femme dans la porcherie, et la battit longtemps avec sa ceinture de cuir, et la prit de force quand il la vit trop brisée par la douleur pour résister. Elle pleurait et le suppliait. « Macaire, bats-moi si tu veux, bats-moi encore, mais ne me touche pas ! Macaire, si mon père revient ça ira mal pour toi ; je te ferai pendre, je te ferai couper le nez et les lèvres, Macaire. — C’est le Gros qui est maître ici, je me moque bien de ton père. — Macaire, je ne suis pas une fille comme les autres ; je sais dire de tels mots que si je veux les pies viendront te crever les yeux, les rats te

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