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22 novembre 1963

22 novembre 1963

Titel: 22 novembre 1963 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Adam Braver
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ces objets lui paraissaient aussi précieux que le corps de la dame elle-même.
FLÈCHES DE SOLEIL
    Ô les routes poudreuses dans le soleil, l’eau des rivières brillante comme un couteau d’acier, ô rayons d’or du beau mois de Pâques droits comme des épées pointues, comme des flèches, belle, belle lumière, cruelle lumière, tout, ciel et terre, n’est qu’un amas de flèches d’or pointues.
    En marchant, l’homme préférait fermer l’œil et s’appuyer sur l’épaule de l’enfant, car la lumière lui faisait trop mal à la tête.
    Il ne s’en plaignait pas – il avait connu bien autre chose – mais la douleur dans le front l’empêchait de penser. Sous sa paupière, un amas de flèches chauffées à blanc brûlaient, se croisaient à la racine du nez, et c’était comme un feu ardent dévorant sa puissance visuelle.
    Ils descendaient la vallée du Rhône, allant de village en village, de château en château, trouvant leur pain en route ; le vieux savait soigner les chevaux, réparer les harnais ; au seul toucher, il décelait l’épine sous le sabot, l’enflure sur l’ergot, il avait les mains agiles pour ligoter, pour panser, pour débrider les blessures, il aimait les bêtes, quand il leur parlait, c’était par petits sons gutturaux, par des « hoï » et des « haï-i » qui rappelaient des hennissements, et il y avait tant de caresse dans sa voix que les chevaux les plus rétifs venaient lui frotter le museau contre l’épaule. Le châtelain de Mirac avait même voulu le retenir chez lui comme maître palefrenier, et sur son refus l’avait mis dehors sans lui donner un sou ni une miche de pain pour sa peine.
    Au village, il réparait les harnais pour les bœufs, il savait coudre, percer le cuir, tresser des lacets à toute épreuve. Il restait ainsi deux ou trois jours dans une maison, et après on lui donnait du pain et du vin pour la route. Seulement, il y voyait de plus en plus mal, et travaillait lentement, à tâtons, l’œil fermé. Et Auberi ne savait rien faire, il était tout juste bon pour porter du bois sec ou de l’eau ; mais il était gentil, et on lui donnait volontiers : dans un bourg une vieille femme lui donna un jour un poulet tout rôti, priant les pèlerins de l’accepter pour l’amour de Dieu. « Auberi, disait le vieux, sache qu’un garçon libre ne doit ni voler ni mendier. Mais j’aimerais mieux encore te voir voler que mendier, parce que mendier est une honte. Quand on te donne de bon cœur, accepte, mais n’aie pas l’air d’avoir l’estomac dans les yeux. Qui montre qu’il a faim, c’est comme s’il mendiait. — Ha ! disait l’enfant, mi-riant, mi-maussade, je n’ai pas de rouge pour me frotter les joues, ni de levure pour m’enfler. Il faudrait me mettre sur le dos une lettre qui voudrait dire : je n’ai pas faim. Et encore, je ne sais pas écrire, et les bonnes gens ne savent pas lire. » Le vieux riait de bon cœur.
    Et parce que ce mois d’avril était beau, et qu’il y avait beaucoup de soleil, le vieux avait dans le front comme une plaie brûlante, et la lumière finissait de manger ce qui lui restait de son œil.
HAGUENIER : III. PREMIÈRE FÊLURE
    Haguenier n’eut pas de bonheur pour son premier tournoi.
    C’était un peu de sa faute, il avait trop jeûné les jours précédents et trop prié pendant sa veillée d’armes, non qu’il eût songé aux sept mille Ave Maria de Pierre, mais parce qu’il était, de nature, assez exalté, et que pour lui sa première épreuve d’homme était un peu comme l’entrée dans un ordre et, de fait, ce n’était pas une petite chose que de devenir chevalier, ce n’était pas seulement une question d’argent et d’apprentissage. Il fallait être digne. Mais Dieu ne devait pas l’exaucer de la manière qu’il pensait.
    D’abord, ç’avait été une question de pure malchance : son cheval, un beau Persan doré, s’était tout d’un coup effrayé du bruit des armes et des trompettes, et s’était mis à bondir et à reculer, et avait refusé d’obéir à son cavalier. C’était pourtant un bon cheval bien dressé et éprouvé, mais Dieu sait ce qui lui avait pris ; il dansait et se dressait sur ses ergots, affolé, les yeux blancs, tordant son long cou nerveux couvert de franges et de festons. Haguenier lui déchira presque la lèvre avec le mors, mais rien n’y fit, il resta quand même en arrière, devant toute la lice et la haute barrière parée de

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