À l'ombre des conspirateurs
n’avait pas grand-chose de plus à m’apprendre sur les événements survenus la veille entre Pertinax et Helena. Moi, en revanche, j’avais des nouvelles pour lui.
— Une serveuse du quartier de Transtiberina va t’apporter des documents. Il faudra y apporter une petite modification.
— Il s’agit de quoi ?
— Un contrat de mariage. Demain, toi et moi, nous avons rendez-vous avec Atius Pertinax.
— Comment ça, Falco ?
— Nous organisons son mariage, précisai-je.
87
Le jour du mariage d’Atius Pertinax, le temps était clair et plus frais, après les averses tombées au cours de la nuit.
Mon premier travail fut de filer au marché au bétail du Forum, afin d’acheter un mouton. Je pris le moins cher. Il me paraissait tout à fait convenir à des motifs religieux. (Se fut-il agi de concocter un ragoût au vin rouge, j’aurais dû me résigner à choisir la catégorie supérieure !) De toute façon, on ne demanderait pas aux dieux de se souvenir longtemps de ce sacrifice.
Un vieux vendeur de guirlandes du temple de Castor accepta joyeusement de se débarrasser de quelques couronnes fatiguées, et ma sœur Maia nous prêta son voile de mariée. Avant de commettre la bêtise d’épouser Famia, elle s’était abîmé le dos chez un fabricant de capes. Le tisserand, qui nourrissait de doux sentiments pour elle, lui avait offert un immense voile safran. Ma sœur ayant l’habitude de le prêter à toutes les filles pauvres de l’Aventin, ce voile avait servi à d’innombrables mariages plus ou moins réussis. Je suis certain que ma mère se serait fait un plaisir de nous préparer un gâteau, mais je préférais la laisser en dehors de cette histoire.
Quand je retrouvai Gordianus, tenant mon offrande au bout d’une corde, il plaisanta :
— J’espère que tu vois dans la cérémonie d’aujourd’hui une répétition de ton propre mariage !
À côté de moi, le pauvre mouton émit un bêlement angoissé.
Nous retrouvâmes Tullia dans le Forum de Julius, sur les marches du temple de Vénus.
— Vous pensez qu’il va venir ? demanda nerveusement le prêtre.
— Il est passé chez nous hier soir. Ma mère lui a fait part du message, et il a accepté de lui confier le contrat. Elle est persuadée qu’il l’a crue…
— S’il ne vient pas, annonçai-je calmement, nous n’aurons plus qu’à rentrer chez nous.
— Espérons qu’il n’a pas appris que son père s’était remarié ! s’inquiéta Gordianus.
— Æmilia Fausta m’a promis que son mariage ne serait pas annoncé publiquement, le rassurai-je. Ne t’inquiète pas sans raison. Allons-y !
En quittant le Forum pour nous diriger vers le nord, nous fûmes éblouis – dans tous les sens du terme – par les toits dorés du Capitole étincelant au soleil. Nous étions peu nombreux, comme Pertinax en avait exprimé le souhait : la mariée, le prêtre, l’assistant du prêtre (chargé de la boîte contenant les ingrédients sacrés), et un énorme flûtiste muni d’une flûte minuscule. L’assistant du prêtre portait des bottes militaires, mais ce n’était certainement pas le premier jeune homme à avoir répondu à l’appel de sa vocation sans posséder les chaussures qui convenaient.
Le flûtiste (Milo) fut chargé de monter la garde à la porte. En nous faisant entrer, le portier observa curieusement l’assistant du prêtre : moi, portant un épais voile religieux. Je lui donnai de quoi aller faire un bon dîner, en lui recommandant de prendre tout son temps. Il partit sans se faire prier, mais avant, il nous annonça que le marié était déjà arrivé. Il aurait été possible de l’arrêter immédiatement, si je n’avais promis à la future épouse que la cérémonie se déroulerait d’abord.
Atius Pertinax, alias Barnabas, se tenait dans l’atrium. Il avait fait l’effort de se raser, et s’était drapé dans une toge. L’idée de convoler en justes noces ne paraissait pas le rendre particulièrement euphorique : il arborait son air renfrogné habituel. Il parut très mal à l’aise en reconnaissant Gordianus, mais l’ayant vu discuter avec Helena Justina devant la maison du Quirinal, puis partir avec elle, il trouva sans doute vraisemblable l’explication que lui fournit le grand prêtre d’une voix acerbe :
— Je préférerais ne pas avoir à me mêler de tes affaires, Pertinax, mais je connais cette dame depuis des années, et elle m’a supplié de conduire
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