À l'ombre des conspirateurs

en venir.) C’est à moi que tu dois envoyer ta facture.
    Il se fit un grand silence dans la pièce. Toutes les femmes gardèrent les yeux fixés sur Helena.
     
    Le médecin, d’origine égyptienne, avait une tête carrée, avec des sourcils épais qui se rejoignaient au-dessus d’un nez droit. Il ne comprenait toujours pas.
    — Je croyais que le sénateur…
    — C’est le père de cette jeune dame, expliquai-je avec patience. Il lui a donné la vie, l’a nourrie, éduquée, et lui a aussi transmis l’humour qui brille dans ses yeux couleur de miel brun. Mais dans les circonstances présentes, c’est moi qui paierai ta facture.
    — Mais pourquoi…
    — Réfléchis un peu, je suis sûr que tu trouveras, dis-je gentiment.
    Je le pris par le coude et l’expulsai de la chambre.
    Réfléchis un peu. Non, ne réfléchis pas. Cet enfant était le tien, le nôtre. Réfléchis, Marcus. Oui, réfléchis.
    Je tins la porte ouverte. Comprenant le message, Julia Justa entraîna toutes les servantes à sa suite.
    Silence. Rien que les yeux d’Helena Justina. Helena et moi.
    — Marcus… Je n’étais pas sûre que tu reviendrais.
    Je pris mon air le plus décontracté.
    — Tu as déjà oublié ? Je t’avais dit que si tu restais dans un endroit où je pouvais te retrouver, je reviendrais toujours… Promets-moi que la prochaine fois, tu me le diras, ajoutai-je d’une voix émue.
    Dans le silence qui suivit, il y avait tout le chagrin du monde. Les yeux d’Helena se remplirent des larmes qu’elle n’avait pas encore pu verser.
    — Je travaillais, dis-je tout doucement. J’avais beaucoup de préoccupations. Il faut me croire, Helena, si j’avais su que tu avais besoin de moi, j’aurais tout laissé tomber.
    — Je sais ! s’exclama-t-elle. Je le savais. Évidemment. Je croyais, poursuivit-elle au bout de quelques instants, et sa voix n’était plus qu’un soupir, je croyais que j’avais tout le temps de te le dire.
    — Oh ! mon amour !
    Elle fit le geste de m’étreindre avant même que j’aie commencé à bouger. Je traversai la pièce en trois enjambées, posai le pied sur la marche du lit surélevé et pris Helena dans mes bras. Je la tenais si serrée que je percevais à peine les sanglots qui la secouaient. Quand je relâchai mon étreinte, pour la tenir d’une façon plus affectueuse, sa main se posa sur ma blessure comme pour me protéger. À l’endroit où sa joue se pressait contre ma peau rugueuse, la majorité des larmes venaient d’elle, mais quelques-unes étaient à moi.

Sur l’auteur
    Lindsey Davis est née et a grandi à Birmingham, en Angleterre. Après des études littéraires à Oxford, elle entame une carrière dans l’administration, puis décide de se consacrer entièrement à l’écriture. Deux de ses œuvres ont été sélectionnées pour le prix Georgette Heyer. Elle vit aujourd’hui à Greenwich.

Quatrième de couverture
    Alors que dans Rome des révoltes ne cessent d’éclater, l’empereur Vespasien confie à son espion Falco une bien curieuse mission : rapporter à un sénateur établi dans la Magna Græcia les cendres de son frère, disparu dans un incendie apparemment accidentel.
    Mais hors de la Via Appia, point de salut : l’empire et ses lois s’arrêtent aux portes de Rome et au sud, les clans s’affrontent encore selon des rites ancestraux, on s’y égorge pour un mot malheureux prononcé imprudemment.
    Lorsqu’arrivé à Crotone Didius Falco échappe de peu à la mort, c’est pour tomber sur quelques colosses qui, pour de mystérieuses raisons, ont l’air déterminé à l’empêcher d’atteindre le but de son voyage…