Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
À l'ombre des conspirateurs

À l'ombre des conspirateurs

Titel: À l'ombre des conspirateurs Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
Vom Netzwerk:
nos forces contre notre répulsion, il fallut taillader deux tuniques puantes, collées l’une à l’autre par les humeurs que le corps avait libérées. Même un fripier aurait dû avoir le cœur bien accroché pour farfouiller dans ces haillons, afin de lire le nom brodé à l’intérieur du col.
    Ravis de nous retrouver dans la cour pour y respirer l’air printanier à pleins poumons, nous y brûlâmes jusqu’à son ceinturon et ses chaussures. Il portait aussi de nombreuses bagues que Frontinus lui retira : un anneau d’or indiquant son rang, une gigantesque émeraude, un sceau, plus deux autres – dont une portant gravé le nom d’une femme. Impossible de les vendre : elles referaient fatalement surface, avec des conséquences imprévisibles. Je devrais malheureusement les balancer dans le Tibre en partant d’ici.
    À l’aide d’une corde passée autour du cadavre, nous parvînmes à le hisser sur une civière que nous avions pris la précaution d’apporter avec nous. Je résistai à la tentation de le pousser du pied pour aller plus vite.
    Les prétoriens veillaient discrètement à ce que personne n’emprunte cette ruelle avant la fin des opérations. Après avoir empoigné la civière, c’est en trébuchant quelque peu que Frontinus et moi nous approchâmes d’une bouche du grand égout, afin de nous débarrasser de notre fardeau. Tendant l’oreille, nous entendîmes un grand « plouf » au bas des marches de pierre qui menaient aux boyaux de la cité. Les rats n’allaient pas tarder à venir aux nouvelles et, au prochain orage, les eaux du fleuve entraîneraient le peu qui subsisterait du cadavre. À moins de se retrouver fâcheusement bloqués par l’un des piliers du pont Æmilius – pour la plus grande frayeur des bateliers –, ces pauvres restes gagneraient la mer où ils seraient chipotés par des poissons peu regardants. La dernière demeure du défunt répondrait aux normes de discrétion qui s’imposaient en la circonstance.
    Il nous restait à faire demi-tour pour brûler la civière dans la cour et laver le sol du bâtiment à grande eau. Et aussi nos mains, nos bras, nos jambes et nos pieds. Je me donnai la peine d’aller quérir un nouveau seau, afin de renouveler l’opération. À la fin, je me chargeai d’aller déverser les eaux sales dans la rue.
    Devant le portail, je vis arriver un homme enveloppé dans une cape verte, le capuchon rabattu lui dissimulant en partie le visage. Je me contentai de lui adresser un bref signe de tête, prenant bien soin de ne pas croiser son regard. Il continua son chemin d’un pas pressé, l’air plongé dans ses pensées. Il venait de manquer de peu une scène particulièrement macabre.
    S’emmitoufler de la sorte quand il fait aussi chaud… Bizarre, mais pas inhabituel. En fait, à Rome, il est tout à fait courant de voir des gens raser les murs des venelles pour aller traiter des affaires qu’il vaut mieux aborder sous le couvert d’un déguisement.
    — Je me charge de refermer.
    — Bon, alors on s’en va !
    Frontinus emmenait ses hommes boire un godet bien mérité. Il ne m’invita pas à les accompagner, ce qui ne me surprit pas.
    — Merci pour ton aide. On se verra chez…
    — Pas si c’est moi qui t’aperçois le premier ! Ça, tu peux en être sûr.
    Après leur départ, je restai un long moment immobile, le cœur lourd. Seul, je pouvais prêter davantage attention à ce qui m’entourait. C’est ainsi que mon regard tomba sur un monticule accoté au mur extérieur, et protégé de la curiosité par un emballage anodin de vieilles peaux. En tant que fils de commissaire-priseur, il m’était impossible d’ignorer tout objet susceptible d’être vendu. Je m’approchai donc à grandes enjambées pour percer le mystère.
    Sous les dépouilles puantes, je découvris quelques araignées très alertes qui m’étaient tout à fait inconnues, et d’innombrables barres de plomb s’avérant de vieilles connaissances. Les conspirateurs avaient eu pour dessein d’utiliser des lingots d’argent volés pour soudoyer des complices. Toutefois, les voleurs ayant fait main basse sur les lingots d’argent dans les mines britanniques avaient escroqué les conjurés, leur expédiant à la place de grosses quantités de plomb – métal bien peu utile à l’achat des consciences. Empilées avec une précision toute militaire, les barres formaient des angles parfaitement droits. De toute évidence, les prétoriens

Weitere Kostenlose Bücher