Abdallah le cruel
seigneur Mohammad, sur Lui la
bénédiction et la paix !, m’est apparu en songe et m’a parlé. Il m’a
supplié de prendre en considération ta folie. Tu n’es qu’un enfant et tu aurais
dû continuer à t’amuser avec les gamins de ton âge plutôt que de jouer au
guerrier. Tes parents doivent maudire le ciel d’avoir donné naissance à un
chenapan de ton espèce. Retourne sous les robes de ta mère !
J’ai écouté les conseils de mon
seigneur Mohammad et je suis prêt à faire preuve de mansuétude à ton égard si
tu acceptes de reconnaître qu’il n’y a d’autre Dieu qu’Allah. C’est une grande
faveur que le Prophète, dont je suis l’humble serviteur, t’accorde là. J’espère
que ton cœur se soulèvera de joie à l’annonce de cette nouvelle et que tu
renonceras sur-le-champ à tes abominables superstitions.
Je te laisse jusqu’à demain pour
que toi et tes hommes veniez à nous, désarmés, réciter la profession de foi qui
fera de vous de vrais croyants. Je te garantis qu’il ne vous sera fait aucun
mal. Vous pourrez conserver vos richesses et vos domaines, à condition de me
payer un tribut annuel de cent mille pièces d’argent.
Ne néglige pas cet avertissement.
C’est le dernier que tu reçois.
Ahmad Ibn Moawiya al-Mahdi.
Le lendemain, Alphonse III
sortit de la ville avec ses troupes. Auparavant, son chapelain avait béni leurs
oriflammes et accordé aux hommes le pardon de leurs péchés. Il les avait
exhortés à se battre bravement pour défendre leurs familles et repousser les
Infidèles qui rôtiraient bientôt dans les flammes de l’enfer. L’armée se rangea
en ordre de bataille dans la plaine. Le roi avait disposé au premier rang ses
archers. Le comte Fredenandus s’approcha de lui :
— Sire, nous sommes trop près
de la ville. Dois-je en conclure que tu as l’intention de battre en retraite
après le début de l’engagement ? Ce serait une folie. La panique
s’emparerait de nos hommes et ils reflueront vers le pont qui est trop étroit
pour les laisser tous passer en désordre. Je dois te l’avouer. J’ai un mauvais
pressentiment. Nous ne sommes pas en nombre suffisant et mieux vaudrait
attendre les renforts qui doivent arriver d’Oviedo.
— Je te remercie de tes sages
conseils. Je veux simplement donner une leçon à ce chien d’al-Kitt.
— Puisse Dieu nous
protéger !
— Sois sans crainte, j’ai pris
certaines précautions. Vois-tu les buissons qui se trouvent à quelques dizaines
de pas de mes archers ? Durant plusieurs nuits, dans le plus grand secret,
j’ai fait construire un fossé aussi long que large. Il est dissimulé par ces
buissons et par des herbes posées sur des claies de bois. Dès que l’ennemi aura
dépassé les limites du village situé un peu plus loin, enfuis-toi avec une
partie des fantassins. Ce maudit al-Kitt pensera que tu m’abandonnes et
ordonnera à ses hommes de galoper à bride abattue. Quand il arrivera à la
hauteur des buissons, le sol s’ouvrira sous les sabots de ses chevaux. À ce
moment, tu reviendras vers moi pour me porter secours. Nous leur infligerons de
lourdes pertes et profiterons de leur désarroi pour nous replier en bon ordre
vers Zamora. Suis exactement mon plan car je ne donne pas cher de nos vies si
tu commets la moindre erreur.
Le stratagème mis au point par
Alphonse III fut couronné de succès. Plusieurs centaines de cavaliers
Musulmans furent précipités dans la fosse et les archers firent des coupes
sombres dans les rangs des autres assaillants qui tentaient d’avancer en
prenant appui sur les cadavres de leurs compagnons et de leurs montures.
Soudain, un violent orage éclata, noyant la plaine sous un déluge d’eau.
Alphonse III s’empressa de regagner Zamora. Lors du conseil qu’il tint
avec ses officiers, Fredenandus le félicita :
— Ta ruse a fait merveille. Tes
soldats appellent déjà cette journée « la Journée de la fosse » et la
fêtent joyeusement.
— Tempère leur enthousiasme.
L’ennemi dispose de troupes nettement supérieures aux nôtres et al-Kitt ne les
a pas toutes lancées dans la bataille. Je prie pour que la pluie continue
jusqu’à l’arrivée des renforts car nous sommes bel et bien pris au piège ici.
De plus, comme j’ai battu en retraite, il doit se considérer comme vainqueur.
Le souverain n’avait pas tort de se
montrer aussi pessimiste. Au même moment, Ahmad Ibn Moawiya avait réuni ses
officiers sous sa tente et
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