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Abdallah le cruel

Abdallah le cruel

Titel: Abdallah le cruel Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Girard
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mit en doute l’authenticité de cette
conversion mais fut sévèrement rabroué par le cadi qui lui rappela que lui-même
comptait dans sa famille de nombreux muwalladun [7] , à commencer
par l’une de ses belles-filles et l’un de ses gendres. Interrogé, l’émir
trancha en faveur du dignitaire religieux, faisant regretter à son conseiller
sa conduite. La méfiance envers Cornes ne diminua pas pour autant après son
abjuration. L’un des chefs arabes les plus influents de Kurtuba, Cheikh Ibrahim
Ibn al-Kawthar, adressa à l’émir une lettre d’une rare insolence :
     
    Quelle extraordinaire surprise
éprouveront les califes abbassides d’Orient quand ils apprendront que les
Omeyyades, en Occident, se sont trouvés dans l’obligation de confier leur haut
secrétariat et leur chancellerie à Cornes le Chrétien, fils d’Antonien,
lui-même fils de la Chrétienne Juliana ! Je voudrais bien savoir qui t’a
aveuglé au point de ne pas porter ton choix sur quelqu’un de plus noble, qui
eût donné du lustre à la fonction et y eût accédé par le privilège héréditaire
de sa naissance ! Je suis homme disposé à occuper cette charge. Le sont
aussi Hamid al-Zaffali Ibn Mozayn et Mohammad Ibn Sofian ; et parmi les
militaires se trouvent Abda Ibn Abd al-Latif Ibn Abi Khoraya, Ibn Djawara, Ibn
al-Asid et Hadjdjadj, fils d’Omar d’ishbiliyah, lesquels sont descendants des
familles des plus anciens califes. Ils honoreraient les charges qu’ils exerceraient
et, de plus, paieraient pour celles-ci au lieu de recevoir les bénéfices qui y
sont liés. Choisis donc qui te plaît. Tous sont dignes de ton attention.
     
    En d’autres temps, l’émir aurait
fait exécuter l’impudent auteur de cette missive. Il ne réagit pas car la
situation était à ce point tendue et troublée qu’il ne pouvait s’aliéner les
plus fidèles soutiens de sa dynastie. D’ailleurs, au fond de lui-même, le vieux
sens de Yasabiya [8] était bien vivace et il comprenait, sans les approuver, les réactions d’indignation
de ses frères arabes. Ces vaillants guerriers avaient tant bataillé pour
agrandir les domaines où l’on invoquait cinq fois par jour le nom d’Allah
qu’ils estimaient mériter un traitement privilégié. Mohammad était très fier
d’être le fruit de l’union d’Abd al-Rahman et d’une concubine de pure souche
arabe, Buthair, morte en couches. Lui-même avait veillé à prendre pour femmes
des Yéménites et il ne tint donc pas rigueur au Cheikh Ibrahim Ibn al-Kawthar
de ses propos.
    L’émir avait d’autres soucis,
infiniment plus importants. Les Nazaréens, du moins les plus fanatiques d’entre
eux, continuaient à calomnier l’islam. Leurs chefs se montraient incapables
d’enrayer ce mouvement. Les fidèles de Tulaitula [9] venaient
ainsi d’élire comme évêque ce maudit Euloge, le principal inspirateur de cette
sédition. Furieux, le monarque avait ordonné l’arrestation de l’évêque de
Kurtuba, Saul, qu’il soupçonnait d’avoir discrètement encouragé ce choix au
lieu de présenter un candidat modéré. Dans la foulée, Mohammad avait donné
l’ordre de raser le monastère de Tabanos, cet antre du démon où se réunissaient
les blasphémateurs. Il avait aussi décidé d’augmenter le montant des impôts
spéciaux exigés des dhimmis [10] en dépit de leurs protestations indignées, notamment celles des Juifs qui
estimaient ne pas avoir à subir le contrecoup des provocations ourdies par les
Chrétiens.
    Les mesures prises par l’émir, loin
d’apaiser les esprits, les enflammèrent. Privés de leurs chefs, Euloge, réfugié
à Tulaitula, et Saül, emprisonné à l’Alcazar, les Chrétiens les plus fanatiques
de Kurtuba perdirent toute prudence et n’aspirèrent qu’à une chose :
blasphémer publiquement le nom du Prophète dans l’espoir d’être livrés au
bourreau. Un homme se montrait particulièrement actif : Paul Alvar, un prospère
négociant qui avait épousé l’une des sœurs d’Euloge [11] . Rares étaient les
personnes à connaître sa véritable origine qu’il cachait comme une tare. De
parents juifs, il s’était converti à l’adolescence. Sa famille l’avait renié et
gardait le silence sur cet acte de déshonneur. Quant à l’intéressé, il se
comportait comme s’il avait reçu le baptême dès sa plus tendre enfance et sa
parfaite connaissance du grec et du latin laissait supposer qu’il était issu
d’une vieille lignée

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