Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
silhouette devant lui: celle d'un cheval perdu, sans doute échappé du camp pour retrouver son maître, et surpris par les ténèbres. Memnon le rejoignit lente ment~ il prononça quelques mots pour le rassurer et attrapa les rênes qui pendaient à son encolure.
Après l'avoir caressé, il se hissa sur lui au prix d'un énorme effort et le talonna doucement. S'agrippant à sa crinière, il le dirigea vers sa demeure, à Zéléia. Plus d'une fois, au cours de la nuit, il fut sur le point de tomber, mais la pensée de Barsine et ®le ses fils le soutint, lui donna la force de résister.
Aux premières lueurs de l'aube, il distingua un petit groupe d'hommes armés qui marchait lentement à l'orée d'un bois. Une voix l'appela: "
Commandant, c'est nous ! " Il s'agissait de quatre mercenaires de sa garde personnelle, des hornmes très fidèles, qui étaient partis à sa recherche.
Il reconnut à grand peine leurs visages avant de s'évanouir.
quand il rouvrit les yeux, il était entouré par un détache ment de cavaliers perses, venus en reconnaissance pour mesu rer l'avancée de l'ennemi.
" Je suis le commandant Memnon, dit-il dans leur langue, et j'ai survécu à la bataille du Granique avec mes courageux amis que vous voyez ici.
Ramenez-nous chez nous. "
Le responsable sauta à terre, s'approcha de lui et fit signe à ses hommes de l'aider. On l'installa à l'ombre d'un arbre et on apporta une fiasque pour le désaltérer. Ses lèvres étaient ger cées par la fièvre, son corps et son visage couverts de sang gru melé, de poussière et de sueur, ses cheveux collés sur son
front.
" Il a perdu beaucoup de sang, expliqua le plus ‚gé de ses compagnons.
--Un chariot, et vite ! ordonna l'officier perse à l'un de ses soldats~
Et appelez le médecin égyptien, qui est peut-être chez le noble Arsitès.
Envoyez quelqu'un annoncer à la famille du comrnandant Memnon que nous l'avons trouvé et qu'il est vivant. "
L'homme bondit sur son cheval et disparut rapidement.
" que s'est-il passé ? demanda l'officier aux mercenaires. Les messages que nous avons reçus se contredisent tous. "
Les hommes réclamèrent de l'eau, puis, après avoir étanché leur soif, entamèrent leur récit: " Ils ont franchi le fleuve à la laveur de l'obscurité et ont lancé leur cavalerie sur nous. Spithridatès a d˚ contre-attaquer avec une armée réduite, car
nombre de ses soldats n'étaient pas encore prêts. Nous avons lutté jusqu'au dernier, mais nous avons été écrasés. La pha lange macédonienne nous assaillait par-devant, et la cavalerie par-derrière.
--J'ai perdu la plupart de mes hommes, admit M~mnon en baissant les yeux.
Des vétérans habitués aux plus grandes dif ficultés et aux plus grands périls, des soldats valeureux aux quels i'étais très attaché. Ceux que vous voyez ici sont les der niers. Alexandre ne nous a même pas laissé la possibilité de négocier notre reddition: à l'évidence, ses hommes avaient reçu l'ordre de frapper pour tuer, et rien de plus. Il voulait faire un exemple pour les Grecs qui oseraient s'opposer à ses projets.
~
--Et quels sont ces projets, selon toi ? demanda l'officier perse. . f
--On dit qu'il veut libérer les villes grecques d'Asie, maiscje n'y crois~ pas. Son armée est une machine formidable, prépa rée depuis des années à une entreprise bien plus importante.
--Laquelle ? "
Memnon secoua la tête. " Je l'ignore. "
Son regard traduisait une immense fatigue et, malgré sa fièvre élevée, il avait le teint terreux. Il tremblait et claquait des dents.
" Maintenant, repose-toi, dit l'officier en étendant un man teau sur lui.
Le médecin va bientôt arriver et on te conduira chez toi. " Memnon ferma les yeux, vaincu par l'épuisement, et sombra dans un sommeil agité, marqué
par la douleur et par des visions cauchemardesques. quand l'…gyptien se pré
senta enfin, il délirait et hurlait, en proie à d'épouvantables hallucinations.
Le médecin le fit installer sur un chariot, il nettoya sa plaie avec du vinaigre et du vin pur, entreprit de la recoudre, puis lui pansa la cuisse au moyen de bandages propres. Il lui fit avaler une boisson amère qui soulageait la souffrance tout en le plongeant dans un sommeil réparateur.
Alors l'officier perse donna le signal de départ et le chariot, tiré par deux mulets, s'ébranla en cahotant et en grinçant.
Ils atteignirent le palais de- Zéléia au coeur de la nuit. Dès qu'elle aperçut son époux au
Weitere Kostenlose Bücher