Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
seuil de l'évanouissement, Nicomaque intervint. Il guida les mains de la sage-femme et ordonna à Artémisia de presser le ventre de la reine, car celle-ci n'avait plus de forces, et l'enfant souffrait.
Il posa l'oreille contre l'aine d'Olympias et se rendit compte que les battements du petit coeur ralentissaient.
" Pousse aussi fort que tu le peux, lança-t-il à la nourrice. Le bébé
doit naître immédiatement. "
Artémisia appuya de tout son poids sur la reine, qui, dans un grand cri, accoucha.
Nicomaque noua le cordon ombilical avec un fil de lin, puis le coupa aussitôt avec des ciseaux de bronze et désinfecta la blessure à l'aide de vin pur. L'enfant cria, et le médecin le confia aux femmes afin qu'elles le lavent et le vêtissent.
Artémisia fut la première à voir son visage. Elle le regarda d'un air extasié. " N'est-il pas merveilleux ? ~ s'exclama-t-elle en tamponnant ses joues avec un peu de laine trempée dans de l'huile.
La sage-femme lui lava la tête, et lorsqu'elle l'essuya elle ne put retenir un mouvement de stupeur. " Il a la chevelure d'un enfant de six mois et de beaux reflets dorés. On dirait un petit …ros. "
Artémisia était en train de lui enfiler une minuscule tunique de lin, car Nicomaque s'opposait à la coutume qui voulait que les bébés fussent étroitement emmaillotés.
1 X ALEXANDRE LE GRAND | ~5 FILS DU SONGE
" A ton avis, de quelle couleur sont ses yeux? " demanda t-elle à la sage-femme.
Celle-ci approcha de son visage une lampe à huile, à la lumière de laquelle les yeux du bébé s'éclairèrent d'un reflet irisé. " Je l'ignore, c'est difficile à dire. Tantôt ils semblent bleus, tantôt ils semblent sombres, presque noirs. Peut-être faut-il mettre en cause la nature si différente de ses parents... "
Pendant ce temps, Nicomaque s'occupait de la reine qui, comme cela arrive souvent aux primipares, saignait. Redou tant que de telles suites ne se produisent, il avait ordonné qu'on ramasse de la neige sur les pentes du mont Bermion.
Il en fit des compresses et les appliqua sur le ventre d'Olym pias.
Epuisée, la reine frissonna, mais le médecin ne se laissa pas attendrir et répeta ces gestes jusqu'à ce que les saigne ments cessent.
Puis, tandis qu'il ôtait son tablier et se lavait les mains, il abandonna sa patiente aux soins de ses servantes. Il les auto risa à changer ses draps et à nettoyer sa peau avec des éponges douces, trempées dans de l'eau de rose, à lui passer une des chemises fraîches qu'elle rangeait dans son coffre, à étancher sa soif.
Ce fut Nicomaque qui lui présenta le petit: " Voici le fils de Philippe, reine. Tu as accouché d'un magnifique bébé. "
Enfin, il sortit dans le couloir, o˘ l'attendait un cavalier de la garde royale en tenue de voyage.
" Va, cours auprès du roi et dis-lui que son enfant est né. Dis-lui que c'est un garçon, qu'il est beau, fort et en bonne santé. "
Le cavalier jeta son manteau sur ses épaules, s empara de sa besace et partit en courant. Au moment o˘ il disparaissait au bout du couloir, Nicomaque s'écria: " Dis-lui aussi que la reine se porte bien. "
L'homme ne s'arrêta pas. Bientôt on entendit un hennisse ment dans la cour, puis un galop qui se perdit dans les rues de la ville endormie.
Artémisia prit le bébé dans ses bras et le déposa sur le lit, à côté de la reine. Adossée à ses oreillers, Olympias se redressa légèrement pour mieux le contempler.
Il était magnifique. Il avait des lèvres charnues, un visage rose et délicat. Ses cheveux, ch‚tain clair, étincelaient de reflets dorés, et il avait au milieu du front ce que les sages femmes appellent " le coup de langue du veau ": une touffe de cheveux drus, partagée en deux moitiés.
Ses yeux paraissaient bleus, mais il y avait une sorte d'ombre dans son iris gauche, qui lui donnait un aspect plus ou moins foncé selon que la lumière changeait.
Olympias le souleva et Ie serra contre elle; elle se mit à le bercer jusqu'à ce qu'il cesse de pleurer, puis dénuda son sein pour l'allaiter.
Alors, Artémisia se pencha vers elle et lui dit: " Mon enfant, cette t‚che revient à la nourrice. Tes seins risquent de se flétrir. Le roi rentrera bientôt et tu devras être plus belle et plus désirable que jamais. "
Elle tendit les bras pour s'emparer du bébé, mais la reine refusa de le lui confier; elle nourrit l'enfant de son lait jusqu'à ce qu'il s'endorme.
Pendant ce temps, le messager galopait à bride
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