Alexandre le Grand "le fils du songe 1"
Alexandre s'installa au palais royal et ordonna à ses hommes de préparer le b˚cher funéraire: une tour de cent quarante coudées de haut, reposant sur une plate-forme artificielle d'un demi-stade de large.
Ce projet fut mis en oeuvré par son ingénieur en chef, Diadès de Larissa, et par une armée de charpentiers, de déco rateurs et de sculpteurs.
L'admirable construction se dressait sur cinq étages, elle était ornée de statues qui représentaient des éléphants, des lions et toutes sortes d'animaux mytholo giques, de grands panneaux sculptés o˘ l'on pouvait admirer des scènes de gigantomachie et de centauromachie. Des torches colossales recouvertes d'or pur furent placées aux coins de l'édifice. Au sommet, le catafalque était soutenu par des statues de sirènes grandeur nature.
quand l'énorme b˚cher fut achevé, le corps d'Héphestion y fut conduit par les hétairoÔ de son bataillon, qui le portèrent sur leurs épaules.
Alexandre et ses compagnons le suivirent jusqu'au pied de la tour. On le hissa au sommet et on le déposa sur le catafalque gr‚ce à des machines conçues pour l'occa sion. Les prêtres attendirent alors que le soleil ait disparu der rière le fil de l'horizon pour incendier la construction.
Celle-ci fut aussitôt enveloppée dans un tourbillon de flammes, qui dévora les statues, les panneaux sculptés, les ornements et les riches offrandes votives.
Alexandre contempla sans broncher ce spectacle barbare, conscient de la stupeur qu'il suscitait parmi la population, qui assistait, bouche bée, à
une manifestation de puissance aussi imposante, à un événement aussi hyperbolique. Soudain, tan dis que son regard se posait sur le sommet de la tour, qui com mençait à s'effondrer dans un crépitement sinistre, il se revit, enfant, dans la cour du palais royal de Pella, en train d'échan ger un gage d'amitié éternelle avec un garçon de son ‚ge récemment arrivé. "
Jusqu'à la mort? ", lui avait demandé alors Héphestion. " Jusqu'à la mort
", avait-il répondu.
Il porta aussitôt la main à son pendentif--une dent de lait ench‚ssée dans de l'or. Il arracha la chaînette et le jeta dans l'ouragan de feu afin qu'il s'y dissolve. Alors il fut envahi par une immense mélancolie, par un profond chagrin. Le premier
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d'entre eux, le premier et le plus cher des sept amis, liés par la même promesse et unis par le même rêve, s'en allait à jamais. La mort l'avait emporté et ses cendres étaient dispersées par le vent.
Le printemps prenait fin et Alexandre retourna à ses projets et à ses rêves de domination universelle, tandis que le ventre de Roxane grossissait. Il fit construire sur les rives de l'Euphrate un gigantesque bassin, capable d'abriter plus de cinq cents vaisseaux, et il projeta avec Néarque la création d'une nouvelle flotte, qui explorerait l'Arabie et les côtes du golfe persique. Les Phéniciens transportèrent quarante navires en pièces jusqu'au gué de Thapsaque, en haute Syrie, puis les assemblèrent et les mirent à l'eau. Ils descendirent le fleuve jusqu'à la capitale avec des équipages de Sidon, d'Arad et de Byblos, prêts à se lancer dans l'aventure jusqu'aux lointaines et mystérieuses régions de l'Arabie. En deux mois, une flotte de deux quinquérèmes, deux quadrirèmes, vingt trières et trente pentécontères fut transpor tée de la Méditerranée à l'Océan méridional: rien ne semblait impossible au jeune et invincible souverain.
Des délégations confluèrent de toutes parts: de la Libye et de l'Italie, de l'Ibérie et du Pont, de l'Arménie et de l'Inde, afin de lui rendre hommage, de lui offrir des présents et de lui demander son alliance. Il les accueillit dans son palais gran diose, parmi les merveilles de Babylone, qui se préparait à devenir la capitale de l'écoumène.
Un jour, au début de l'été, pendant une crue de l'Euphrate, Alexandre décida de descendre le fleuve et de s'engager dans le Pallacopas, un canal qui écoulait le trop-plein d'eau afin que les cultures ne fussent pas inondées.
Il se tenait au timon, aux côtés de Néarque, et contemplait d'un oeil émerveillé les vastes lagunes qui s'ouvraient ici et là, le long du canal, o˘ l'on pouvait apercevoir les tombes des anciens rois chaldéens, à moitié
immergées. Soudain, un coup de vent emporta le chapeau à larges bords, ceint d'un ruban d'or--symbole de la royauté--, au moyen duquel il
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