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Antidote à l'avarice

Antidote à l'avarice

Titel: Antidote à l'avarice Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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la journée, à savoir servir de tuteur à Yusuf, l’apprenti du médecin. Il savait qu’un colporteur de la ville proposait de nouveaux rubans, certains assez larges et d’un rouge profond qui resplendirait dans sa chevelure. Il s’était dit qu’il serait de retour bien avant que la ville ne s’arrache à la torpeur de l’après-midi.
    Il avait compté sans l’appréhension du marchand. Quand il arriva, il trouva les rubans empaquetés et l’étal fermé. Il fallut énormément de temps à Salomó pour convaincre l’homme qu’il avait tout intérêt à retrouver les colifichets envoûtants, les lui présenter et se mettre d’accord avec lui sur un prix.
    Triomphant, il quitta l’étal avec un paquet de rubans bien rangé sous sa tunique, tourna au coin de la rue et s’immobilisa. Un groupe de six ou sept ouvriers lui barrait le chemin : ils riaient et gesticulaient, à divers stades de l’ébriété.
    — Un juif ! cria l’un d’eux.
    — Attrapons-le !
    — On va l’emmener à la rivière pour le baptiser !
    — Oui, à la rivière !
    Salomó n’était ni un couard ni un gringalet, mais sept contre un, c’était un peu trop téméraire pour un homme désarmé. Il pivota donc sur ses talons et détala.
    Salomó était jeune, rapide et parfaitement sobre. Ses poursuivants étaient ralentis par le vin et un certain manque de motivation. Il avait déjà une bonne avance sur eux quand, au coin d’une rue, il buta dans un tas de vieux paniers abandonnés au milieu de la chaussée.
     
    Romeu marchait également d’un pas rapide. Il arriva devant la salle de garde du palais au moment même où les ouvriers du chantier naval entamaient leur marche incertaine dans la ville. Quand la patrouille rejoignit la bande d’ivrognes, ceux-ci portaient le gesticulant Salomó des Mestre sur le pont qui enjambe la rivière Onyar. À la vue des gardes, les plus sobres des ouvriers lâchèrent leur prisonnier et s’enfuirent à toutes jambes. Les trois autres, trop abrutis et trop chancelants, furent arrêtés. Quant à Salomó, légèrement meurtri, sa bourse et ses rubans intacts, il fut ramené à la poterne du quartier juif.
    — Où étaient les hommes du guet ? demanda Berenguer, évêque de Gérone, quand l’incident lui fut rapporté.
    — Ils jouaient aux cartes devant les portes du Call et terminaient une outre de vin, lui dit le capitaine. Nos hommes – une patrouille – étaient à l’autre bout de la ville. Il est clair qu’il faut davantage de patrouilles. Je vais les faire doubler.
     
    Vendredi 18 avril
     
    — Mon cher ami, lança un marchand de grain à l’air prospère à l’homme qui achetait et vendait des toisons. Je rentre juste de voyage. Quelles nouvelles ?
    — Peu de choses qu’on ne sache déjà à Barcelone, répondit le lainier. Le chantier naval est en effervescence et l’humeur est bonne en ville. Vos négociations se sont certainement bien déroulées.
    — Assez bien. Entre la pénurie, les réserves et le contrôle du gouvernement sur les prix, il n’est pas facile de gagner sa vie dans le commerce du grain. Est-ce que l’évêque prévoit toujours de se rendre à Tarragone ? Avant mon départ, la question n’était pas encore tranchée.
    — Eh oui, hélas.
    — Quand doit-il partir ?
    — Mardi, aux premières lueurs, m’a-t-on dit. Et il emmène avec lui son médecin, maître Isaac, ajouta le marchand de laine. Cela ne m’enchante pas.
    — Pourquoi devrait-il rester en ville ?
    — Parce que maître Isaac est aussi mon médecin. Et la route de Tarragone est longue et tortueuse. Un tel voyage ne se fait pas en un jour. Nous ne les verrons pas pendant un mois, sinon plus. Il peut se passer beaucoup de choses pendant ce temps-là.
    — Peut-être nous laissera-t-il son adorable fille, dit le marchand de grain en lançant un sourire coquin à son ami.
    Mais le lainier n’avait pas le cœur à la badinerie.
    — Il emmène sa femme et sa fille avec lui, ainsi que son apprenti. Il nous faudra espérer rester en bonne santé jusqu’à son retour.
    — Qui donc va s’occuper des affaires du diocèse ? Monterranes ?
    — Non, Don Arnau de Corniliano.
    — Impossible ! lança le marchand de grain d’une voix où la colère se mêlait à l’incrédulité. Je ne puis vous croire.
    — Pourquoi dites-vous cela ? C’est curieux, mais pas impossible.
    — Il déteste Son Excellence. Et il est si frêle que je m’étonne qu’on

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