Aux armes, citoyens !
soir, les barrières de Paris sont rouvertes. Les
Postes et Messageries reprennent leur service interrompu. Les Conseils votent d’urgence
deux lois. La première proclame que le général Augereau et les braves défenseurs
de la liberté ont bien mérité de la patrie. La seconde que les troupes peuvent
franchir le périmètre constitutionnel et entrer dans Paris.
Où le calme règne.
Les vainqueurs, Barras, Reubell, La Révellière-Lépeaux, et
les députés hostiles aux royalistes et aux clichyens, ont les mains libres.
« La loi, c’est le sabre », avait dit un officier.
C’est cette règle qui est appliquée au nom de la « conservation
de la Constitution ».
Point besoin de s’embarrasser de procédures judiciaires.
« L’esprit public est trop mauvais, dit Boulay de la
Meurthe, membre du Conseil des Cinq-Cents qui fut l’ami de Camille Desmoulins. La
force est pour nous en ce moment. Profitons-en. »
Et à la tribune, il martèle sa conviction :
« Vous devez sentir que les formes lentes, purement
judiciaires, ne peuvent avoir lieu en ce moment. Vous, les vainqueurs aujourd’hui,
si vous n’usez pas de la victoire, demain le combat recommencera mais il sera
sanglant et terrible. »
Ainsi, les anciens Jacobins retrouvent le ton de l’an II.
Au Conseil des Anciens, le général Marbot déclare :
« Nous n’avons pas besoin de preuves contre les
conspirateurs royalistes. »
Les soldats, présents dans les tribunes, acclament ses
propos, crient : « Allons le pas de charge. »
Et Barras, au nom des Directeurs, envoie un message aux
députés :
« On vous parlera de principes, on cherchera des formes,
on voudra des délais. Quel sentiment funeste ! »
Il s’agit de voter des lois de proscription, d’annuler les
élections dans quarante-neuf départements, donc de démettre cent quarante
députés (quarante-cinq des Anciens, quatre-vingt-quinze des Cinq-Cents).
Et de condamner à la déportation et à la confiscation de
leurs biens onze membres des Cinq-Cents et quarante-deux des Anciens.
Les lois contre les émigrés et les prêtres réfractaires sont
remises en vigueur : et un arrêté individuel du Directoire suffit pour
condamner à la déportation.
On exige des électeurs, des citoyens – et des prêtres –, qu’ils
prêtent un « serment de haine à la royauté et à l’anarchie, d’attachement
et fidélité à la République et à la Constitution de l’an III ».
La presse est placée sous surveillance. On supprime
quarante-deux journaux dont six en province.
Et le Directoire se donne le pouvoir d’en déporter « les
propriétaires, entrepreneurs, directeurs, auteurs et rédacteurs… » !
Ainsi, la presse « contre-révolutionnaire »
disparaît.
La Constitution de l’an III n’est plus que le paravent de la
dictature des Directeurs.
Barras est réellement le « roi de la République ».
Et la « guillotine sèche » – le bagne de la Guyane
– fait silencieusement son office.
Des commissions militaires condamnent à la déportation trois
cent vingt-neuf « coupables de trahison », dont cent soixante-sept
périront. Mais La Révellière-Lépeaux peut écrire que la « glorieuse
journée du 18 fructidor s’était passée sans qu’une goutte de sang ne fût
répandue ».
Le Directoire continue, en l’an VI, et en l’an VII, à
condamner à la déportation.
Il s’agit d’écraser la tête du « serpent royaliste ».
Et le Directoire paraît si fort que Londres rappelle son agent à Genève, le
grand dispensateur de fonds aux « manufactures » royalistes : Wickham.
Le roi de Prusse fait pression sur le duc de Brunswick, afin
que celui-ci « conseille » à Louis XVIII de quitter le duché, de
demander refuge en Courlande, à Mitau, sous la protection du tsar, loin, loin, de
la France.
Tout est bien.
Il n’existe plus aucun journal pour écrire que le peuple
méprise les députés, aussi bien pour avoir accepté le coup d’État, que pour l’avoir
perpétré !
Mais qu’importe l’avis du peuple.
Les trois cents salles de bal ne désemplissent pas. Les
trente théâtres affichent complet.
On s’interroge gravement : l’« éventail queue-de-serin
à paillette » va-t-il être adopté par les élégantes ?
Elles ont bien du souci pour laisser apparaître leur soulier
en maroquin vert.
« Il faut que le tiers du bras droit passe sous les
plis de la robe pour la tenir
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