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Aux armes, citoyens !

Aux armes, citoyens !

Titel: Aux armes, citoyens ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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qu’il
aspire à la dictature.
     
    Le Directeur Reubell, soupçonneux, le reçoit à dîner, dès le
8 décembre. Bonaparte reste le plus souvent silencieux, laissant Reubell
évoquer avec le patriote suisse Pierre Ochs assis à sa gauche le soutien que la
République française doit apporter aux patriotes suisses qui veulent
transformer leur pays en une République sœur, « une et indivisible ».
    Mais il faut pour cela, en s’appuyant sur le canton de Vaud,
chasser les Bernois, les vaincre. Et il faut charger le général Brune, ancien
membre du club des Cordeliers, un ami de Marat, un républicain résolu, de cette
mission.
    Bonaparte approuve d’un simple mouvement de tête. Il ne veut
pas se découvrir. Il doit paraître modeste, respectueux du Directoire.
     
    Deux jours plus tard, c’est le ministre des Relations
extérieures, Talleyrand, qui l’invite en son hôtel de Galliffet, rue du Bac.
    De l’ancien évêque d’Autun, qui a prudemment vécu hors de
France durant la Terreur, on murmure le pire ; qu’il loue ses services à l’Autriche,
à la Prusse ou à l’Angleterre, fort cher, favorisant l’une ou l’autre puissance
en fonction des sommes qu’on lui offre.
    « Tout s’achète ici, a dit le représentant de la Prusse
à Paris. Le ministre des Relations extérieures aime l’argent et dit hautement
que sorti de sa place il ne veut pas demander l’aumône à la République. »
    Talleyrand accueille Bonaparte dans les salons de l’hôtel de
Galliffet avec une prévenance un peu ironique et distante, en grand seigneur, le
cou enveloppé dans une cravate très haute, la poitrine serrée dans une
redingote large.
    Talleyrand parle d’une voix grave. Il domine Bonaparte de la
tête et des épaules. Il a convié en son hôtel une foule de personnalités
désireuses de voir ce général victorieux.
    On entoure Bonaparte, on le félicite.
    « Citoyens, dit Bonaparte, je suis sensible à l’empressement
que vous me montrez. J’ai fait de mon mieux la guerre et de mon mieux la paix. C’est
au Directoire à savoir en profiter, pour le bonheur et la prospérité de la République. »
     
    Cette prudence et cette mesure inquiètent plus qu’elles ne
rassurent. Bonaparte a la modestie éclatante ! Et les Directeurs s’en
méfient.
    Mais il faut l’engluer dans les honneurs, et le Directoire
organise au palais du Luxembourg une réception à la gloire du « général
pacificateur ».
    En arrivant au palais ce 10 décembre 1797 (20 frimaire an VI)
Bonaparte paraît ne pas entendre la foule enthousiaste qui s’est rassemblée
dans les rues qui conduisent au palais.
    On crie : « Vive Bonaparte ! Vive le général
de la grande armée ! »
    Les cinq Directeurs qui l’accueillent dans leur costume d’apparat
brodé d’or, leurs dentelles, leurs grands manteaux, leur chapeau noir retroussé
d’un côté et orné d’un panache tricolore, ressemblent à des mannequins raides.
     
    Barras est le plus majestueux.
    Bras croisés, il toise Bonaparte comme s’il voulait lui
rappeler que c’est lui qui est à l’origine de cette gloire, de cette fortune et
même de ce mariage avec Joséphine, et qu’il n’oublie pas le désarroi, la pauvreté,
de ce Buonaparte qui traînait son sabre et son ambition.
    Et maintenant, voici Napoléon Bonaparte accueilli par
Talleyrand qui au nom du Directoire tresse des lauriers au général victorieux.
    « Personne n’ignore, dit Talleyrand, son mépris profond
pour l’éclat, pour le luxe, pour le faste, ces méprisables ambitions des âmes
communes. Ah, loin de redouter son ambition, je sens qu’il nous faudra
peut-être le solliciter un jour pour l’arracher aux douceurs de sa studieuse
retraite. »
    La cérémonie, note un témoin, est d’un « froid glacial ».
    « Tout le monde avait l’air de s’observer et j’ai
distingué sur toutes les figures plus de curiosité que de joie, ou de
témoignage de vraie reconnaissance. »
    Bonaparte a répondu à Talleyrand que « le peuple
français pour être libre avait les rois à combattre. Pour obtenir une
Constitution fondée sur la raison, il y avait dix-huit siècles de préjugés à
vaincre… Lorsque le bonheur du peuple français sera assis sur les meilleures
lois organiques, l’Europe entière deviendra libre. »
     
    Ces mots font trembler.
    On sait que Bonaparte, en Italie, a lui-même rédigé les
Constitutions des Républiques ligurienne et cisalpine. Voudrait-il faire

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