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Aux armes, citoyens !

Aux armes, citoyens !

Titel: Aux armes, citoyens ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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les rentiers eux-mêmes sont ruinés – ou dépossédés – par
la décision du Directoire de liquider les « deux tiers de la dette
publique ». Le « tiers » est consolidé, mais les deux tiers sont
en fait perdus, parce que remboursés en monnaie sans valeur. C’est une
banqueroute des deux tiers, « même si elle assainit les finances ».
    Et naturellement elle n’affecte pas les « enrichis »,
les « corrompus », ceux qui se vautrent dans le luxe et la débauche.
    Ceux-là dansent à Bagatelle, à l’Élysée-Bourbon, à Tivoli. Puis
ils soupent dans les restaurants du Palais-Royal.
    « Le cœur des Parisiens opulents s’est métamorphosé en
gésier. On fréquente les théâtres. Tout y respire l’aisance et la gaieté, le
plaisir et la joie. »
    « On admire les femmes “sans chemises”, les bras et la
gorge nus avec jupe de gaze sur un pantalon de couleur chair, les jambes et les
cuisses enlacées par des cercles endiamantés. »
    On va de l’un à l’autre, Thérésa ci-devant Tallien impose
toujours sa « dictature de la beauté ».
    On divorce. Le nombre des « enfants trouvés » s’élève
à près de cinquante mille en France dont quatre mille à Paris… Un citoyen
réclame le droit d’épouser la mère de ses deux femmes successives…
     
    Ce spectacle que les élites donnent au peuple désespère les
citoyens. Toutes les initiatives du pouvoir sont accueillies avec scepticisme.
    Ainsi, comment pourrait-on croire en cette religion d’État
que le Directeur La Révellière-Lépeaux s’emploie à mettre en scène, organisant
le 1 er vendémiaire an VI (22 septembre 1797), au Champ-de-Mars,
« une prière à l’auteur de la nature » ?
    Et les citoyens se souviennent de la fête de l’Être suprême,
triomphe de Robespierre quelques mois avant sa chute !
     
    On ne croit donc plus aux religions nouvelles.
    On se tourne vers la religion catholique, et les
proscriptions qui frappent les prêtres – près de mille cinq cents en une seule
année – achèvent de la réhabiliter.
    On cache les prêtres poursuivis. On se détourne de l’Église
constitutionnelle, d’ailleurs combattue par les Directeurs et les anciens
Jacobins avec autant de force que l’est l’Église réfractaire.
    En fait, tout ce qui vient du pouvoir est suspect.
     
    La seule figure qui suscite l’enthousiasme est celle de ce
général Bonaparte.
    Les rapports de police indiquent tous qu’« on exalte de
tous côtés ses louanges ».
    On aime ce « général pacificateur » qui dit :
    « C’est un grand malheur pour une nation de trente
millions d’habitants et au XVIII e siècle d’avoir recours aux
baïonnettes pour sauver la patrie. »
    On lit qu’il a promis aux citoyens de deux Républiques sœurs
qu’il a créées en Italie – la ligurienne et la cisalpine -l’ordre et la liberté,
la paix aux consciences, le droit pour chacun de pratiquer sa religion et de
jouir de ses biens.
    Il est un homme nouveau, qui n’a jamais tenu, lors des
journées révolutionnaires et pendant la Terreur, un rôle de premier plan.
    Il a été sur le théâtre intérieur, et dans ces années
cruciales de 1789 à 1794, plus témoin qu’acteur.
    On l’attend.
     
    Le 3 décembre 1797, il quitte Rastadt pour Paris.
    Il fait une halte à Nancy, où les francs-maçons de la Loge
Saint-Jean de Jérusalem l’accueillent.
    Il ne porte plus l’uniforme. Il voyage en voiture de poste
comme un bourgeois.
    Il arrive à Paris le 5 décembre 1797 (15 frimaire an VI).
    Il rentre chez lui, rue Chantereine. Joséphine n’a pas
encore regagné Paris.
    La rue a changé de nom. Elle s’appelle désormais « rue
de la Victoire ».

32.
    Il est là « chez sa femme ».
    La foule se presse rue de la Victoire pour l’apercevoir,
« pâle sous les longs cheveux noirs », le visage osseux, le menton
affirmé, l’expression volontaire, maigre, serré dans une redingote noire, marchant
d’un pas saccadé, ne paraissant pas voir ces citoyens qui l’acclament :
    « Vive Bonaparte ! Vive le général en chef de l’armée
d’Italie ! »
     
    Que pense-t-il ?
    Les Directeurs, les ministres, les députés s’interrogent.
    A-t-il vraiment dit : « Si je ne puis être le
maître je quitterai la France » ?
    Tous veulent le rencontrer, le sonder.
    On murmure déjà – et certains journaux le répètent en ces
jours de frimaire an VI (décembre 1797) qui suivent son arrivée à Paris –

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