Aux armes, citoyens !
salut public…
C’est la confusion qui règne dans la salle de la Convention.
Les sans-culottes siègent parmi les députés, les Girondins sont partis. Robespierre
parle longuement :
« Concluez donc », lui lance Vergniaud.
« Oui, je vais conclure, et contre vous, répond
Maximilien. Ma conclusion c’est le décret d’accusation contre tous les
complices de Dumouriez et contre tous ceux qui ont été désignés par les
pétitionnaires. »
Mais on ne vote pas. L’Assemblée décide qu’elle ira « fraterniser »
avec les citoyens des sections en une promenade civique autour des Tuileries !
Il est dix heures du soir. On illumine au Palais-Royal. On
boit. On chante.
« Quel imposant spectacle offre Paris, ce soir-là, écrivent Les Révolutions de Paris. Quelle leçon pour sept cents législateurs
toujours divisés… C’est une espèce de fête nationale. »
En fait, le Comité central révolutionnaire et
insurrectionnel, associé à la Convention, a échoué.
Et Marat le sait qui invite à recommencer, à aller jusqu’au
bout :
« Levez-vous donc, peuple souverain ! s’écrie-t-il.
Présentez-vous à la Convention, présentez votre Adresse et ne désemparez
pas de la barre que vous n’ayez une réponse définitive ! »
Il est sept heures du matin ce dimanche 1 er juin
1793. Des sans-culottes placardent la proclamation qui appelle à une nouvelle
insurrection :
« Citoyens, restez debout ! Les dangers de la
patrie vous en font une loi suprême. »
On se rassemble. Des bataillons de volontaires qui devaient
partir pour la Vendée sont retenus à Paris. Il faut punir les traîtres ici, avant
de s’en aller écraser la grande armée catholique et royale.
Aux Jacobins, les orateurs se succèdent à la tribune, devant
un auditoire résolu qui crie : « Les Girondins à la guillotine ! »
« L’agonie des aristocrates commence… la Commune est
debout, le peuple se porte à la Convention, vous devez vous y rendre. »
Déjà Hanriot rassemble les bataillons autour des Tuileries. On
dit que plus de quatre-vingt mille sectionnaires contrôlent toutes les issues. Ils
ne sont en fait que quinze mille mais cela suffit puisque soixante canons sont
braqués sur la Convention.
Le tocsin sonne, à l’aube du lundi 2 juin.
Marat lui-même s’est, dit-on, glissé dans le beffroi de l’Hôtel
de Ville et de sa propre main a tiré sur les cordes des cloches.
On envoie des sans-culottes occuper les sièges des journaux
girondins, interdire leur parution et arrêter les journalistes.
Les députés sont en séance.
Parmi eux, des Girondins courageux, qui sont entrés à la
Convention, en franchissant les barrages, en devinant dans le regard des
soldats qu’ils pénètrent dans une souricière. Et l’un d’eux, Gensonné, avocat
bordelais, qui avec Guadet et Vergniaud incarne le groupe des Girondins, murmure :
« Je ne me fais aucune illusion sur le sort qui m’attend,
mais je le subirai sans m’avilir : mes commettants m’ont envoyé ici ;
je dois mourir au poste qu’ils m’ont assigné. »
À deux heures, les sectionnaires, les pétitionnaires entrent
dans la salle de la Convention.
L’un de leurs délégués déclare qu’il dénonce, au nom du
peuple, les « factieux de la Convention ».
Il faut à l’instant, exige le « peuple », que l’on
décrète d’accusation les vingt-deux députés girondins corrompus, traîtres à la
patrie.
De la foule des sans-culottes, quelqu’un lance :
« Ils sont vingt-neuf. » Et il ne faut pas oublier la femme, Manon
Roland.
On menace : « Le peuple est las, sauvez-le ou il
va se sauver lui-même. »
Pourtant les députés refusent de s’incliner, renvoient l’Adresse
au Comité de salut public.
Alors les cris s’élèvent.
« Le peuple se sauvera lui-même ! Aux armes !
Aux armes ! »
Les troupes se mettent en rang, dans un grand bruit de pas
et de crosses.
Les députés hésitent. Certains Girondins fuient. Un député
lance :
« Sauvez le peuple de lui-même ; sauvez vos
collègues, décrétez les arrestations provisoires… »
Barère propose que les députés dénoncés décident eux-mêmes
de se suspendre volontairement.
« Je le déclare, dit Isnard, si mon sang était
nécessaire pour sauver la patrie, sans bourreau, je porterais ma tête sur l’échafaud,
et moi-même je ferais filer le fer fatal. »
La foule devient menaçante.
Les soldats mettent en joue
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