Aux armes, citoyens !
l’attendent à la sortie
de la salle du Manège, échappe à l’arrestation, choisit la clandestinité, s’enfonçant
dans « ses souterrains », tenant des assemblées ici et là, fustigeant
les « perfides, les traîtres qui mènent la Convention ».
« Un peu de patience encore, ils succomberont sous le
poids de l’exécration publique », assure-t-il.
Et il convainc.
Enfin Robespierre prend la parole en sa faveur :
« Ce n’est pas contre Marat seul qu’on veut porter le
décret d’accusation, dit-il. C’est contre vous, vrais républicains, c’est
contre vous qui avez déplu par la chaleur de vos âmes, c’est contre moi-même
peut-être, malgré que je me sois constamment attaché à n’aigrir personne, à n’offenser
personne. »
En quelques jours, la situation change.
Marat, jusqu’alors tenu à l’écart, devient le persécuté, le
héros des sans-culottes, rassemblant autour de son nom les Montagnards, les
Enragés, les membres de la Commune, les citoyens pauvres.
Lorsque, le mardi 23 avril, dans l’après-midi, Marat se
présente à la prison de l’Abbaye, se constitue prisonnier, il sait qu’il ne
risque plus rien. Il est accueilli par des officiers municipaux, des
administrateurs de la Commune qui l’entourent, soupent avec lui, célèbrent son
courage, le protègent d’éventuels assassins.
Et Marat pérore :
« Peuple, lance-t-il, c’est demain que ton
incorruptible défenseur se présente au Tribunal révolutionnaire. Son innocence
brillera. Tes ennemis seront confondus. Il sortira de cette lutte plus digne que
toi. »
Le lendemain il va mener les débats devant le Tribunal, envahi
par une petite foule de partisans, soutenu par l’accusateur public, Fouquier-Tinville,
qui lui est favorable et qui laisse Marat prendre la parole, sans même se
soucier de l’avis du président du Tribunal.
L’audience se transforme en assemblée sans-culotte.
« Citoyens, dit Marat, ce n’est pas un coupable qui
paraît devant vous : c’est l’Ami du peuple, l’apôtre et le martyr de la
liberté depuis si longtemps persécuté par les implacables ennemis de la patrie
et poursuivi aujourd’hui par l’infâme faction des hommes d’État. »
Le procès de Marat devient un acte d’accusation contre les
Girondins. Les jurés l’acquittent et l’honorent. On le coiffe d’une couronne
ornée de rubans. Un cortège se forme pour le raccompagner à la Convention. On l’a
fait asseoir sur un fauteuil qu’on soulève et que plusieurs personnes portent
sur leurs épaules.
Combien sont-ils, ceux qui le suivent ? « Sept à
huit cents pillards et brigands », écrit le journaliste girondin, député à
la Convention, Gorsas. Ou bien cent mille, selon Marat ?
Tout au long du parcours, on l’acclame, on crie :
« Vive la République ! Vive la liberté ! Vive Marat ! »
On force les portes de l’Assemblée. On s’installe sur les
sièges des députés cependant que Marat, « couronné », prend place.
On scande « Vive l’Ami du peuple ! » et « À
la guillotine les Girondins ! ».
Marat est entouré, embrassé par les femmes qui, entrées dans
la salle de la Convention, se sont précipitées vers lui.
Il prend la parole :
« Je vous présente dans ce moment-ci un citoyen qui
avait été inculpé, et qui vient d’être complètement justifié. Il vous offre un
cœur pur. Il continuera de défendre avec toute l’énergie dont il est capable
les droits de l’homme, la liberté, les droits du peuple. »
Les Girondins sont défaits.
Le Tribunal révolutionnaire, les officiers de la Commune, la
garde nationale dont on a vu les bataillons escorter Marat, et ne pas interdire
à la foule de submerger la Convention : tout leur échappe.
Le peuple des faubourgs, les pauvres, ne font aucune
confiance à la Convention, là où les Girondins peuvent encore réunir une
majorité, faire voter la constitution d’une Commission des Douze qui
enquêtera sur les actes de la Commune.
Et cette Commission des Douze ordonne l’arrestation d’Hébert,
l’éditeur et le rédacteur du Père Duchesne, le journal le plus enragé, le
plus hostile aux Girondins mais le plus populaire.
On arrête aussi Varlet, et un autre Enragé, Dobsen, président
de la section de la Cité, estimé des sans-culottes. On a oublié qu’Hébert est
aussi substitut du procureur de la Commune de Paris, et que les Girondins ne
disposent d’aucune force pour protéger
Weitere Kostenlose Bücher