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Aux armes, citoyens !

Aux armes, citoyens !

Titel: Aux armes, citoyens ! Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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Robespierre s’élance vers la tribune pour parler, la
clochette de Collot d’Herbois sonne, le rend inaudible, et les cris de « À
bas le tyran ! » retentissent.
    Onze fois Robespierre essaie de parler, mais le nouveau
président de séance, Thuriot, agite frénétiquement la clochette et étouffe sa
voix.
    « De quel droit, lui lance Robespierre, le président
protège-t-il les assassins ? »
     
    Tallien est remonté à la tribune.
    « J’ai vu hier la séance des Jacobins, crie-t-il. J’ai
frémi pour la patrie. J’ai vu se former l’armée du nouveau Cromwell et je me
suis armé d’un poignard pour lui percer le sein si la Convention n’avait pas le
courage de le décréter d’arrestation ! »
    Tallien brandit et agite le poignard.
    Robespierre hurle, mais qui l’entend dans les cris, le
tintement de la clochette ?
    « Pour la dernière fois, président d’assassins, me
donneras-tu la parole ? »
    Il a le visage congestionné, il continue de parler. Il se
tourne vers les députés de la Plaine, ces hommes du Ventre.
    « Hommes purs, commence-t-il, hommes vertueux c’est à
vous que j’ai recours ! Accordez-moi la parole que les assassins me
refusent. »
    Mais comment peut-il espérer que ces hommes dont tout
    — l’invocation de l’immortalité de l’âme, de l’Être
suprême, de la Terreur et de la Vertu – le sépare le soutiennent ?
    En fait, c’est la dernière chance de Robespierre.
    Abandonné par la Montagne, par les hommes des Comités – Vadier,
Barère, interviennent à leur tour –, il est seul.
     
    Un député de l’Aveyron, inconnu, Louchet, que personne
jamais n’a entendu, se dresse :
    « Je demande le décret d’accusation contre Robespierre »,
dit-il.
    Et les mains se lèvent pour voter le décret.
    Robespierre tente de parler, s’avance au milieu des travées.
    On l’interpelle :
    « Le sang de Danton t’étouffe », crie un député.
    « Ne t’avance pas, lance Fréron, c’est là que s’asseyaient
Condorcet et Vergniaud. »
    On réclame l’arrestation immédiate du « monstre ».
    La peur si longtemps contenue devient rage.
    « Brigands ! Les lâches ! Les hypocrites, hurle
Robespierre.
    « Je demande la mort. »
    Puis, alors que les cris de « À bas le tyran ! Décret
d’accusation ! » retentissent, il lance :
    « Les brigands triomphent. »
     
    Augustin Robespierre se dresse.
    « Je suis aussi coupable que mon frère, dit-il. Je
partage ses vertus, je demande aussi le décret d’accusation contre moi. »
    Le Bas, aussitôt, déclare :
    « Je ne veux pas partager l’opprobre de ce décret, je
demande aussi l’arrestation. »
    L’arrestation est même votée pour Saint-Just, silencieux, comme
absent, et pour Couthon.
    « Couthon est un tigre altéré du sang de la représentation
nationale, crie Fréron. Il voulait se faire de nos cadavres autant de degrés
pour monter sur le trône. »
    Couthon, assis sur sa chaise roulante, ricane, montrant ses
jambes paralysées :
    « Oui, je voulais monter au trône. »
    « Arrestation, arrestation », crie-t-on.
    Saint-Just, Le Bas, Couthon, Augustin Robespierre sont
décrétés d’arrestation, comme Maximilien.
    Des gendarmes s’approchent.
    « La Liberté et la République vont donc enfin sortir de
leurs ruines », s’écrie Fréron.
    « Oui, car les brigands triomphent », répète
Robespierre pendant que les gendarmes l’entraînent, avec ses quatre compagnons.
    Saint-Just, à la demande de Collot d’Herbois, dépose d’un
geste lent, tranquille, le texte de son discours sur le bureau du président !
    La chaleur est intense, moite, lourde.
    Il est presque cinq heures, ce 9 Thermidor.
     
    Robespierre est épuisé.
    Il dévisage lentement son frère Augustin, Couthon, Saint-Just,
Le Bas.
    Tous dans cette salle du Comité de sûreté générale où on les
a conduits, paraissent à bout de force.
    Robespierre baisse la tête après avoir longuement fixé
Saint-Just qui, bras croisés, semble indifférent.
    Cet homme si jeune, si beau, a-t-il songé à l’abandonner lui
aussi ?
     
    On entend des éclats de voix !
    Vadier et Amar dans une salle voisine décident de disperser
les prisonniers dans les différentes prisons de Paris, et, en attendant leur
départ, on leur sert à dîner.
    Ils parlent peu.
    Une insurrection comme celle qui, le 31 mai et le 2 juin
1793, a imposé à la Convention l’arrestation des députés girondins,

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