Bataillon de marche
coupable, murmura Olga.
– Poussons plus loin l’enquête, continua Sorka. L’accusée peut s’asseoir.
Le légionnaire se tourna vers les chaises vides du jury et mit la main à son oreille comme s’il écoutait attentivement.
– Que pense le noble jury ? Coupable ou pas coupable ? Le jury ne peut malheureusement pas parler très fort et me prie de transmettre son avis. Le jury déclare Olga Geis coupable sur tous les points et remet aux nobles juges le soin de décider de la peine.
– Facile ! cria Petit-Frère. Je propose la pendaison lente avec une bougie allumée sous le cul.
Olga se jeta par terre et cria d’une voix hystérique :
– Au secours ! Au secours !
Au même instant, une voix rude retentit à l’autre bout du salon, près de la porte à deux battants qui donnait sur le hall.
– Qu’est-ce qu’il se passe ici ? Haut les mains !
Nous n’en crûmes pas nos yeux. Dans la porte se tenaient trois gendarmes, revolver au poing. C’était un Oberfeldwebel qui avait crié.
A la seconde, un coup partit. Un des gendarmes venait de tirer. La Hollandaise Anna hurla, un jet de sang lui sortit de la bouche en gargouillant et elle s’écroula sur Barcelona Blom.
Olga se redressa avec un cri de triomphe :
– Ils veulent m’assassiner ! Sauvez-moi de ces brutes !
– Du calme, gronda l’Oberfeldwebel, nous allons arranger ça, nous sommes des spécialistes.
Il n’eut pas le temps d’achever. Le sous-officier à côté de lui tomba à la renverse avec un râle sourd. Son revolver cliqueta sur le sol. Dans sa poitrine vibrait le couteau maure du légionnaire.
La mâchoire de l’Oberfeldwebel s’ouvrit de stupeur. Heide, à la vitesse de l’éclair, ramassa l’arme du mort et, couché derrière le cadavre d’Anna, visa les deux gendarmes près de la porte.
– Haut les mains !
Lentement, les deux hommes levèrent les bras. Barcelona les désarma, Porta les fouilla. Le lieutenant dégradé jouait :
« Le pays est si loin, si loin… »
Le légionnaire récupéra son poignard, l’essuya sur la veste du soldat mort et le remit dans sa manche. Puis il salua le jury et les juges.
– Excusez l’interruption, nous avions oublié de fermer les portes.
Les trois juges chuchotèrent. Petit-Frère se mit à rire.
– Pendue ! décida-t-il. Accusée, levez-vous.
Le sourire triomphant d’Olga avait disparu. Jamais, dans ses rêves les plus fous, elle n’avait imaginé qu’on pût lever la main sur un feldgendarme. Ces soldats étaient à supprimer, il fallait que le Führer le sache. Avec désespoir, elle regarda autour d’elle et aperçut le portrait déchiré d’Hitler. Elle gémit.
– Au nom du peuple… commença Sorka à haute et intelligible voix.
Olga leva les yeux. C’était un cauchemar. Sorka en soutien-gorge et culottes rouges, longs bas de tulle noir, et un calot noir sur la tête. Et, à côté, Petit-Frère tout nu, à part le ceinturon et les bottes. Ah ! Quel atroce bandit !
– Au nom du peuple, Olga Geis, à l’unanimité tu es condamnée à subir la peine de mort par pendaison. Un des juges a demandé que tu sois torturée et ton cadavre jeté aux chiens.
– C’était moi ! Petit-Frère. Tu t’en tires à bon compte.
– Bien, dit le légionnaire. L’accusation se déclare satisfaite.
– Voilà une corde, cria Heide en arrachant un gros cordon de tirage.
Il fit une boucle et la glissa autour du cou d’Olga que la terreur paralysait, pendant que Petit-Frère attachait les mains de la grosse femme avec un soutien-gorge qui gisait sur le plancher.
– Maintenant, le grand saut, ma fille !
Olga se mit à hurler. Tout à coup, elle comprenait l’horreur de ce qui allait se passer. Elle griffait, ruait, donnait des coups de pied, mordait. Un instant, elle se dégagea mais fut reprise par les filles qui l’immobilisèrent. Petit-Frère et Heide l’emportèrent vers la fenêtre que les filles venaient d’ouvrir et attachèrent la corde à la hampe du drapeau.
Barcelona avait fabriqué une pancarte où l’on pouvait lire.
« Traître au peuple. »
Petit-Frère ordonna à Olga de sauter. Pour toute réponse, elle se mit à appeler au secours. Nelly s’empara d’un fusil et lui donna sur les jarrets un coup qui la précipita au-dehors. La hampe se courba comme un arc, parut céder, mais tint bon. La grosse femme pendulait ; elle tournait en rond comme un carrousel ; son cou devint curieusement mince et
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