Bataillon de marche
s’intéressait même pas aux femmes, Dieu sait pourquoi. Si seulement elle pouvait mettre la main sur, 1a feldgendarmerie… La porte était toute proche. Un cri de Porta l’arrêta.
– Hé ! là-bas, Olga ! Tu te débines ? Tu ne vas pas lâcher une si joyeuse compagnie !
Il saisit la femme et la ramena au milieu du salon. Petit-Frère vint vers eux d’une démarche chaloupée, suivi de Heide qui était on ne peut plus saoul.
– Je veux voir ton cul ! criait Petit-Frère. L’honoré public est prié de prendre ses places. La plus grosse truie du monde va jouer au strip-tease. C’est nous deux les femmes de chambre.
Un rire homérique vola jusqu’au toit. Tout le monde s’assit en cercle autour du groupe.
– Jupon ! cria Petit-Frère. – Un jupon noir vola par la fenêtre. – Soutien-nichons !
L’objet prit le même chemin.
– Serre-fesses ! gloussa Heide.
Et, d’un seul coup, il arracha la ceinture.
Olga poussa un cri de douleur en se défendant avec rage.
– Honoré public ! criait Petit-Frère, ce qui va suivre n’est pas une voile toute gréée, c’est un cache-cul, le plus grand du monde, fabriqué dans un chantier de constructions maritimes pour ce cargo de lard !
– Tape dessus ! criait Nelly. Tape sur cette truie !
Le légionnaire eut un rire froid :
– Du calme. On lui fera son affaire, n’aie pas peur.
Olga s’était relevée, nue comme un ver. Petit-Frère fit deux pas en arrière et joignit les mains comme un enfant qui voit un arbre de Noël.
– Saint Moïse, amiral de la mer Rouge, quel tas de fumier !
– Où est l’ours ? Mettons-lui Martin ! cria Porta.
– Qui a volé l’ours ? ragea Olga. Bande de voleurs !
Toutes les filles se pâmaient de rire. Porta se jeta à quatre pattes et se mit à fureter sous les meubles.
– Où est l’ours ? Où est l’ours ?
Il s’ensuivit une furieuse clownerie. On dévissait les pieds des tables, on rampait dans les armoires, la poubelle fut vidée dans le salon, les casseroles volèrent par les fenêtres, l’aspirateur fut mis en pièces, les ampoules éclataient avec des bruits de mitrailleuse. Petit-Frère cassait les assiettes.
– Où est l’ours ?
– Où est l’ours ? hennissait Barcelona en dégringolant les tableaux.
Les filles se tenaient les côtes, Olga pleurait et nous maudissait. On s’interpellait de pièce en pièce :
– Tu as trouvé l’ours ?
– Nei ! répondait un écho.
Les porcelaines s’écrasaient en miettes, Ses fenêtres arrachées étaient jetées dehors. Soudain, on entendit des coups de feu et tout le monde se précipita dans la direction du bruit. Au haut d’une armoire était tassée la peau d’ours, la grosse tête dépassant le fronton ; Porta et Petit-Frère, cachés derrière une porte avec trois filles, envoyaient des salves de fusil mitrailleur contre le malheureux animal.
– Encore une bordée ! criait Porta. Et je l’aurai au corps à corps.
Olga pleurait désespérément.
– Je l’aurai ! criait Petit-Frère. Ce sale ours, on lui fait son affaire !
Il enfonça son couteau dans la nuque de l’ours et tira la peau qui vint avec l’armoire. Le tout s’effondra sur le géant. Porta, d’un seul coup, détacha la grosse tête.
– Ça y est ! gémit Petit-Frère, on l’a eu !
– Et ça a été dur, souffla Porta.
Ils se relevèrent en nage et remirent la peau déchiquetée à Olga qui entra dans une transe de fureur en constatant le désastre. Porta éclata de rire et désigna le derrière d’Annie dont une des fesses était rouge brique.
– Y en a un qui l’a mordue au cul ! Ton ours aurait pu te mordre ailleurs ; te voilà sauvée, ma grosse !
Le légionnaire arrivait lentement. H se planta devant Olga en souriant, un mégot au coin de sa lèvre, le calot noir ramené sur son front.
– A nous, Olga. Il y a quelques petites choses qu’il va falloir éclaircir.
Son sourire glaçait La balafre était rouge sang. Derrière lui venaient Alte et Nelly. Olga oublia l’ours. Son regard allait de l’un à l’autre. Qu’avaient pu raconter les filles ?… Que l’enfer les prenne ! Elle aurait dû accepter la proposition du Hauptsturmführer Nehri qui offrait de liquider toute la troupe. Mon Dieu ! qu’elle avait été bête ! Si elle avait filé avec Nehri, elle aurait rapidement remis sur pied un nouveau bordel. Les types de la police étaient là pour lui fournir le personnel. Mais ce
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