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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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appuyer mon point de vue, cette phrase prononcée par le baron Pierre de Coubertin, rénovateur des jeux Olympiques : « L’important aux jeux Olympiques n’est pas d’y gagner, mais d’y prendre part ; car l’essentiel, dans la vie, n’est pas tant de conquérir que de bien lutter  1 . »
     
    Ayant terminé son texte, il posa sa feuille et interrogea Claire du regard.
    — Très bien, lui dit-elle. C’est limpide et franc. Et puis, j’aime bien le patriotisme qui vous anime, cette image du drapeau libanais qui aurait dû flotter en haut du mât olympique. Ma seule réserve concerne le dernier paragraphe de votre article…
    Pierre Gemayel fronça les sourcils.
    — Vous voulez parler de la référence au baron de Coubertin ?
    Claire lâcha un rond de fumée.
    — Oui, répliqua-t-elle. Le baron n’est plus la référence que vous croyez.
     
    Vers 22 heures, Oskar se grima et commença son récital. Claire s’accouda sur la table et, appuyant le menton sur sa paume, dévora le pianiste des yeux. Cet homme était habité par la musique : il dodelinait de la tête et bougeait les épaules au rythme des morceaux qu’il jouait, comme s’il vivait intensément chaque mélodie qui sortait de son instrument.
    In my solitude, you haunt me
    With reveries of days gone by
    In my solitude you taunt me
    With memories that will not die…
     
    In my solitude, I’m praying
     
    Dear Lord above,
    Send back my love,
    Dear Lord above,
    Send back my love…
    La ritournelle de Duke Ellington enflamma le public, constitué de jeunes rebelles ou de vieux nostalgiques heureux d’écouter du jazz pour oublier leurs soucis et les discours de leurs dirigeants. «  Bis , bis !  » s’écria Claire, les mains en porte-voix. Oskar lui lança un regard complice et, s’approchant du micro, annonça à l’auditoire :
    — Permettez-moi de dédier cette chanson à une amie française qui se reconnaîtra !
    Claire leva la main en rougissant. Oskar mit tout son coeur dans le morceau qu’il rejoua.
    1 - L’article sera effectivement publié dans L’Orient du vendredi 14 août 1936.

7
    Où l’on voit Jesse Owens se mesurer à Luz Long
    Jesse ôta son survêtement et se dirigea vers le sautoir. En cette journée du 4 août, il se sentait en pleine forme : le matin même, il avait participé à la troisième série du 200 mètres et l’avait remportée en 21 secondes 1/10, record olympique, avec sept mètres d’avance sur le Canadien McPhee. Il regarda autour de lui : une quarantaine de concurrents étaient engagés dans l’épreuve du saut en longueur dont la limite de qualification était de 7,15 mètres. « Un jeu d’enfant », se dit-il en songeant à sa victoire éclatante d’Ann Arbor où il avait battu le record du monde avec 8,13 mètres. Un athlète attira son attention : Luz Long, son plus redoutable concurrent dans l’épreuve, un Aryen typique avec ses mèches blondes tombant sur le front, ses yeux clairs, son corps sec et robuste.
    — Jesse Owens, USA, annonça le micro.
    L’Américain sursauta. « Déjà ! » Absorbé par ses observations, il avait oublié de prendre ses marques ! Que faire ? Protester ? C’était sa faute. Demander de passer en dernier ? Il était trop tard. Il prit position en bout de piste, s’élança à grandes enjambées mais, au moment de sauter, mordit d’un pied. Le juge leva le drapeau blanc. « La prochaine sera la bonne », marmonna Jesse, déçu, en serrant un poing. Au deuxième essai, il mordit encore. Inquiet, il sortit de la fosse de réception en secouant la tête et s’épongea le front avec sa serviette. Un dernier essai. S’il le manquait, il était tout simplement éliminé. La honte !
    — Pose ta serviette avant la planche d’appel, fit alors une voix dans son dos.
    Jesse se retourna : c’était Luz Long.
    — Je te demande pardon ? demanda-t-il, croyant avoir mal entendu.
    — Recule tes marques de trois pieds et prends ton appel soixante centimètres en arrière de la planche à l’aide de ta serviette, lui conseilla l’Allemand dans un anglais approximatif. Tu seras sûr ainsi de ne plus « mordre »…
    Owens remercia son adversaire d’un sourire et, sans discuter, s’exécuta.
    — 7,15 mètres, annonça le juge.
    Jesse Owens poussa un soupir de soulagement. Troisième saut enfin réussi. Mais de justesse : à un millimètre près, il était éliminé. Il s’approcha de Luz Long et lui donna une tape

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