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Berlin 36

Berlin 36

Titel: Berlin 36 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alexandre Najjar
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aviron avec ses oncles, le Néo-Zélandais John Lavelock, brillant vainqueur du 1 500 mètres, le Britannique Godfrey Rampling 1 et ses acolytes, champions du 4 × 400 m, Robert Charpentier, ancien livreur de viande à bicyclette devenu le seul cycliste français vainqueur de trois épreuves au cours d’une même édition des Jeux, ou encore l’inattendu haltérophile égyptien Khodr Sayed el-Touny qui avait décroché une médaille d’or dans sa catégorie.
    Claire consulta sa montre. A 21 heures – soit avec une heure quarante de retard sur l’horaire prévu dans le Tagesprogramm – la cérémonie de clôture des Jeux de la XI e  olympiade commençait. Elle soupira. Comment, dans ces conditions, envoyer le compte rendu de la cérémonie avant le bouclage ? Certes, la rédaction de L’Auto était compréhensive, mais la patience de l’imprimeur avait des limites ! Elle résolut de quitter le stade à la première occasion. Tout à coup, vingt puissants projecteurs firent, au-dessus de l’Olympiastadion, une immense voûte de lumière sous laquelle cent mille spectateurs debout, le bras droit tendu, se mirent à chanter religieusement la marche guerrière des SS. Les porte-drapeaux des nations participantes défilèrent alors dans l’ordre inverse de la cérémonie d’ouverture. En tête, l’équipe allemande avec la croix gammée, suivie de celle des Etats-Unis. Les drapeaux s’arrêtèrent devant la tribune d’honneur où siégeait Adolf Hitler. Le comte Henri de Baillet-Latour se leva et prononça un court discours de remerciement à l’adresse du III e  Reich et de son Führer. Dès que le président du CIO eut terminé son allocution, l’Orchestre philharmonique de Berlin et les choeurs commencèrent à interpréter Die Flamme lodert (« La flamme brûle ») de Beethoven. Aussitôt, des jeunes filles vêtues de blanc sortirent de l’obscurité et, sous les feux des projecteurs, remirent des souvenirs aux porte-drapeaux qui, un à un, se retirèrent. Au loin, le grondement des canons et les tintements de la cloche olympique se firent entendre. Trop, c’en était trop. Claire sortit du stade, écoeurée.
     
    Perchée sur son promontoire, Leni Riefenstahl ajusta sa caméra et vit dans l’objectif cinq Allemands en blanc descendre le drapeau olympique de son mât et le porter dans la loge du maire de Los Angeles qui le remit symboliquement à Baillet-Latour qui le confia à son tour au maire de Berlin. Au mât d’honneur, on hissa alors les drapeaux grec, allemand et japonais – Tokyo étant la prochaine destination des Jeux. Comme un seul homme, les spectateurs se levèrent et, tout en entonnant l’hymne « Les Jeux sont terminés », se tinrent les mains en signe d’au revoir. Avant de quitter les tribunes, ils ne manquèrent pas de scander des «  Heil Hitler !  » et des «  Sieg heil !  » à la gloire de leur chef bien-aimé.
    — Il était temps que ça finisse, soupira Willy Zielke en s’épongeant le front.
    Leni ne put s’empêcher de sourire : un travail colossal l’attendait encore. Outre le visionnage, la sélection, la musique et le montage, il lui restait encore à filmer les plans du prologue qu’elle n’avait pu tourner en Grèce. Elle comptait se rendre dans l’isthme de Courlande pour y tourner les scènes désirées et avait chargé un décorateur de fabriquer des fûts de colonnes en carton pour orner les lieux.
    — Si tu savais ! soupira-t-elle en posant une main sur son épaule. Tout commence à présent !
    1 - Père de la comédienne Charlotte Rampling, il est décédé le 20 juin 2009 à l’âge de 100 ans.

Troisième partie
    Après
    Chaque créature est seule pour mener son combat, comme elle sera seule au jour fixé, pour mourir sa mort.
    Roger M ARTIN DU GARD,
    Les Thibault, L’Eté 1914.

1
    Où l’on assiste à des départs volontaires ou forcés
    Berlin ressemblait à un lendemain de fête. Partout, des balayeurs nettoyaient les trottoirs, décrochaient bannières et drapeaux. Hôtels et restaurants étaient déserts, et le stade olympique n’était plus qu’une vaste cuvette vide. Le Quasimodo venait à peine d’ouvrir ses portes quand Claire Lagarde y pénétra, sa valise à la main. Oskar, qui accordait son piano, vint à sa rencontre et l’embrassa tendrement.
    — Où vas-tu comme ça ? lui demanda-t-il, surpris.
    — Je rentre à Paris.
    — Paris ? s’exclama-t-il, interloqué. Mais pourquoi si tôt ?

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