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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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mises à réquisition, et les trois hommes, installés dans la salle la plus fraîche, dînèrent de bon appétit. On causa gaiement.
    – Quand je pense, s’écria Astorre qui, après avoir bu, n’avait pas toujours le sens du tact, quand je pense à la figure que doivent faire en ce moment les Malatesta, les Manfredi, les Orsini.
    Le comte eut un sourire contraint et murmura :
    – Parlons d’autre chose, je vous prie…
    – Oui, parlons d’autre chose, fit Garconio qui, lui aussi, buvait un peu plus que de raison ; baron, savez-vous à quoi je pensais ?…
    – Dites, mon cher Garconio…
    – Eh bien, je pensais à la figure qu’a dû faire quelqu’un de notre connaissance lorsqu’on l’a précipité dans le puits aux reptiles… Et lorsque le bourreau lui a tranché le col, donc ! Vraiment, ce m’est un grand remords que de n’avoir pu assister à pareille fête !…
    – Malheureusement, ces choses-là ne se recommencent pas… M. de Ragastens est mort, bien mort et enterré !…
    À ce moment, une ombre se dressa dans l’encadrement de la fenêtre ; cette ombre sauta légèrement dans la salle, et une voix vibrante s’écria :
    – Bonjour, messieurs ! Enchanté de la rencontre !
    Astorre bondit. Garconio demeura sur sa chaise, pétrifié : « Ragastens ! » bégaya-t-il.
    Le comte Alma, stupéfait, assistait sans mot dire à cette scène imprévue.
    – Parbleu, mon cher baron, railla Ragastens, les morts que vous enterrez se portent bien, il me semble.
    – Le chevalier de Ragastens ! répéta Astorre, stupide d’effarement.
    – Eh ! oui, le chevalier de Ragastens en chair et en os… Il est vrai que ce n’est pas la faute de ce digne moine si vous me revoyez, cher ami, mais enfin, vous me revoyez… et c’est l’essentiel. Or çà, remettez-vous, je vous prie… Il paraît que je trouble des épanchements de famille ? Si je suis de trop, dites-le, que diable !
    Et, se tournant vers le comte Alma :
    – Monsieur le comte, permettez-moi de me présenter : je suis le chevalier de Ragastens et je vous cherchais précisément, ayant les choses du monde les plus intéressantes à vous dire.
    – Va-t’en les dire en enfer d’où tu viens ! rugit Garconio.
    En même temps, le moine se précipita, le poignard levé, sur Ragastens. Mais celui-ci ne l’avait pas perdu de vue : il vit venir le coup. Prompt comme l’éclair, il bondit en arrière vers la fenêtre et tira son épée. Le poignard du moine retomba dans le vide.
    – Astorre !… Et vous, comte… sus à cet homme !
    Le baron, revenu de sa stupeur, avait dégainé.
    – Il va se sauver par la fenêtre, ajouta Garconio. Sus !
    – N’ayez crainte, aimable sbire ! répondit Ragastens, tout en ferraillant activement contre le baron qui lui portait botte sur botte.
    – Du renfort ! Du renfort !… hurla Garconio.
    Et le moine, désespérant de poignarder Ragastens, se jeta sur la porte.
    Pendant ces diverses péripéties, le comte Alma n’avait pas bougé. Il ignorait complètement qui était ce nouveau venu. Et il ne tenait nullement à s’exposer dans une bagarre qui, jusqu’ici, lui apparaissait comme le résultat d’une querelle personnelle entre le moine et Ragastens. Le moine avait ouvert la porte.
    – Enfer ! gronda-t-il en reculant devant le poignard de Spadacape.
    – Frappe ! cria Ragastens.
    Spadacape eut un mouvement foudroyant. Le moine tomba. Au même instant, l’épée de Ragastens traversa de part en part l’épaule du baron Astorre qui s’affaissa.
    – Cela fait le septième, si je ne m’abuse ? fit Ragastens avec un sourire.
    – Morbleu, monsieur, gronda le baron, vous comptez bien, en effet. Mais soyez tranquille, je vous rendrai tout cela en un seul coup…
    – Je n’en ai jamais douté, baron… En attendant, avez-vous besoin de quelque chose ?
    – Non, je n’ai besoin de rien… sinon de continuer ma route au plus vite avec monsieur…
    – Voilà qui est contrariant, mon cher… J’avais justement l’intention de proposer à M. le comte une promenade.
    Le moine, étendu à terre, entendit ces derniers mots. Il se souleva péniblement et râla :
    – Fuyez, comte ! Fuyez !…
    – Le comte n’a aucune raison de fuir ! fit Ragastens.
    – Que me voulez-vous, monsieur ? demanda froidement le comte Alma.
    Ragastens s’approcha de lui.
    – Vous dire simplement deux mots, lui glissa-t-il à l’oreille. Je viens de Rome d’où je me

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