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Borgia

Titel: Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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pièce qu’éclairait la lueur sombre et fumeuse d’une torche de résine. Au fond de cette pièce était assise, sur une natte, ou plutôt accroupie, le menton sur les genoux, une femme qui paraissait prodigieusement vieille tant son visage était sillonné de rides, mais à qui un observateur, après avoir constaté la vie de son regard, n’eût pas donné plus d’une soixantaine d’années.
    À l’entrée du visiteur, la femme n’eut pas un geste, pas un mot. Seulement, un imperceptible tressaillement, comme si la vue de cet homme eût avivé en elle une profonde et secrète douleur.
    – Tu m’attendais, Maga, fit l’homme ; c’est bien…
    – Prévenue de votre visite dans la soirée, je me suis préparée à vous répondre. Maintenant je suis prête…
    L’homme, alors, dégrafa son manteau et rabattit le capuchon qui lui couvrait entièrement la tête. Mais son visage demeura invisible. Il était masqué…
    Pour plus de précautions, des gants recouvraient ses mains et ses cheveux disparaissaient sous un bonnet qui, par derrière, retombait jusqu’au-dessous de la nuque.
    La sorcière qui habitait cet antre était vêtue d’oripeaux bariolés, à la mode des Égyptiennes. Nul ne savait qui elle était, ni d’où elle venait. Nul ne connaissait son nom.
    Elle était là depuis très longtemps, depuis des années et des années ; on venait lui demander des consultations dans une foule de cas ; on la redoutait pour le pouvoir diabolique qu’on lui accordait et on l’appelait la Maga {2} . C’était là toute son histoire.
    – Tu sais qui je suis ? demanda le visiteur.
    La vieille demeura silencieuse.
    – Je suis Lorenzo Vicini, riche bourgeois qui ne regardera pas au prix de ta consultation, pourvu que tu le satisfasses…
    La sorcière hocha la tête.
    – On m’a parlé de ta science… et, bien que mon âme de chrétien réprouve tes sortilèges, j’ai voulu m’adresser à toi… Fasse le ciel que je ne me repente pas d’être venu ici… pour la première et, j’espère, la dernière fois de ma vie…
    La Maga eut une sorte de rire discret qui grinça sur les rares dents déchaussées qui lui restaient.
    – Que signifie ?… Est-ce que tu ne me crois pas ?…
    À ce moment, un coq noir s’agita et remua bruyamment ses ailes.
    – La paix, Altaïr ! commanda la vieille.
    Puis elle poursuivit tranquillement :
    – C’est la troisième fois que vous venez ici, maître ! L’homme sursauta, épouvanté.
    – La première fois… oh ! il y a longtemps !… vous êtes venu me demander le moyen de tuer sans que personne pût se douter de rien… Je composai pour vous cette eau mortelle dont vous avez fait un si prodigieux usage…
    Le visiteur demeura sur son fauteuil, sans voix, comme anéanti.
    – La deuxième fois, maître, vous êtes venu me demander de vous sauver d’une langueur qui lentement, mais sûrement, vous conduisait au tombeau… Un mois plus tard, vous étiez vigoureux comme au temps de votre jeunesse… Il y a dix ans de cela, maître !
    – Mais tu es donc réellement sorcière ! s’écria le visiteur qui frissonna longuement.
    – La première fois, maître, vous vous appeliez Stéfano ; la deuxième, Giulio de Faënza ; aujourd’hui, Lorenzo Vicini… Eh bien ! moi, je vais vous dire le nom redoutable que vous portez…
    Elle se pencha plus encore et murmura ce nom à l’oreille du visiteur.
    – Par le ciel, vieille sorcière, tu en sais trop long… Tu vas mourir.
    – Je ne mourrai pas, dit-elle avec une étrange solennité… tu ne me tueras pas… car mon heure n’est pas venue… car ma destinée ni la tienne ne se sont accomplies… Tu ne me tueras pas, parce que tu sais que je ne t’ai pas trahi… et que tu as encore besoin de moi !…
    – Tu as raison, sorcière ; tu aurais pu me trahir ; tu ne l’as pas fait… j’ai confiance en toi !… Mais ce nom…
    – Maître, interrompit la Maga, ce nom est plus en sûreté dans mon cœur que dans votre esprit lui-même…
    » Eh bien ! maître, reprit-elle, votre première visite fut pour me demander de la mort ; votre deuxième pour me demander de la vie… Que venez-vous maintenant me demander ?…
    – De l’amour !… répondit sourdement l’homme.
    La vieille fut secouée d’un frisson. Son visage blême devint plus livide encore.
    – Je veux aimer… ne fût-ce qu’une nuit encore, ne fût-ce qu’une heure, dût cette heure d’amour éteindre d’un

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