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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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d'Alain Bocquet 35 , secrétaire fédéral du Nord, sur Pierre Mauroy, devenu son rival : « Dans les faits, dit-il, j'ai pu juger du recul de Pierre Mauroy dans la lutte contre le capitalisme. »
    Quelques réflexions finales avant que Georges Marchais ne prononce le discours de clôture de ce comité central. D'abord cette certitude : ce n'est manifestement pas ici que s'élabore la politique du Parti. C'est une chambre d'enregistrement. Au mieux, une chambre d'échos. Ensuite, cette constatation : oubliée toute la réflexion sur les couches nouvelles, sur la nécessité de dépasser la classe ouvrière, en régression sociologique, sur les appels aux techniciens, aux ingénieurs et aux cadres chers à Roland Leroy. Retour à Zola, au contraire, au misérabilisme, à l'ouvriérisme. Je voudrais tout de même qu'on m'explique comment ils vont longtemps concilier le développement du Parti communiste et le rétrécissement de sa base sociologique !
    Georges Marchais commence par un constat apocalyptique sur la situation de la France : « En ce dernier quart du xx e  siècle, notre pays, la France, est plongé dans la régression. Au mieux, c'est la stagnation. On brade des secteurs économiques entiers, on casse les usines modernes, on sacrifie le développement scientifique et technologique, on détruit la nature et on aggrave la fragilité de la monnaie et la dépendance monétaire du pays. »
    Ouf ! Pire que la « guerre économique » dont parle Michel Debré !
    Puis il propose ses solutions, franchement sans commune mesure avec la situation dramatique qu'il dépeint : le socialisme « aux couleurs de la France », c'est-à-dire la démocratie sociale, économique et politique. Pour ce faire, l'unité de la gauche, oui, dans la ligne du XXII e  Congrès. Avec une nuance de taille : « Aller au gouvernement pour aider aux efforts d'adaptation du grand capital, c'est clair, nous ne le ferons pas. Il ne faut pas compter sur nous pour gérer la crise et imposer l'austérité ! »
    Un déjeuner tardif, à 15 heures, réunit les journalistes autour de Marchais, accompagné de Charles Fiterman. À table, je suis à côté de ce dernier. J'apprends qu'il aime à se réveiller tard et qu'il a horreur du téléphone. Pendant que Georges Marchais répond aux questions d'un journaliste, la jeune femme qui nous sert, et qui naturellement est communiste, se penche en riant sur l'épaule de Fiterman. Désignant la presse d'un regard circulaire, elle lui demande, ironique : « Qu'est-ce que je fais ? Je leur distribue des bulletins d'adhésion ? » Je feins de ne pas avoir entendu, tant son ironie traduit de distance, pour ne pas dire de mépris vis-à-vis de la fameuse « presse bourgeoise ».
    À une question que lui pose Ivan Levaï, Marchais répond sans l'ombre d'un doute : « J'ai la conviction que, maintenant, la conception juste du Parti a triomphé. »
    Plus tard, à l'issue du déjeuner, il me dit : « Si ce n'est pas en mars que nous triompherons, ce sera le coup suivant. »
    Il n'est certes pas pressé d'être victorieux. L'opposition dans laquelle il garderait son statut, son autonomie, la primauté du PC, lui paraît préférable à l'exercice du pouvoir avec les socialistes.

    15 novembre
    Jean-Pierre Soisson, à la tête du Parti républicain depuis le dernier congrès, déjeune avec Jean-Louis Guillaud. Il plaide auprès de Guillaud pour l'unité de la majorité. « Unité, unité, lui dit-il ; c'est pour la maintenir que je voudrais éviter le retour de Michel Poniatowski au Parti républicain 36 . Ponia, pour Jacques Chirac, c'est un chiffon rouge ! »
    Il me paraît que c'est surtout pour Jean-Pierre Soisson lui-même que Ponia fait figure de chiffon rouge ! Si Ponia revient dans les instances du Parti républicain avec son aura d'ami intime de Giscard – l'est-il toujours, d'ailleurs ? – et d'ancien ministre de l'Intérieur, il ne fera qu'une bouchée de Soisson !

    16 novembre
    Hier mardi 15, comme prévu, dîner de tous les ministres chez Raymond Barre. Table carrée, tapis rouge, bougies vertes. Barre préside, évidemment ; Alain Peyrefitte lui fait face. Objectif : définir, comme l'a demandé le Président dans son discours de Carpentras, le 10 juillet dernier, les « objectifs d'action » pour les élections prochaines.
    C'est Jacques Alexandre, directeur du service de presse du Premier ministre, qui m'en fait un récit laborieux.

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