Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
convaincu qu'il existe dans ce parti assez de forces pour que je ne cesse pas d'espérer que la raison finisse par l'emporter ! »
Même dans l'adversité, son français est parfait. Et sa foi semble inaltérée.
7 novembre ( à l'ambassade soviétique à Paris )
Hier, Roland Leroy et Pierre Bérégovoy 30 se rencontrent dans un des salons de l'ambassade.
« Alors, dit Pierre Bérégovoy sur un ton badin, on se revoit bientôt ?
– Certainement, répond prestement Roland Leroy. La délégation communiste ira sûrement en rampant à Château-Chinon, et c'est François Mitterrand lui-même qui désignera les représentants du Parti communiste ! »
Conversation, une de plus, avec Claude Estier. Il lui paraît évident que les militants communistes ne partagent pas les positions de leur hiérarchie. Dans le XVIII e arrondissement où il fait déjà campagne dans la perspective de 1978, les communistes ne font rien. « Il y a bien quelques affiches sur les murs, me dit-il, mais leur activité est très loin de ce qu'elle a coutume d'être dans une période électorale normale. »
Il me signale même charitablement quelques « bides » de réunions communistes, ailleurs : il n'y avait pas grand monde au meeting d'Étienne Fajon à Perpignan, ces jours derniers. À Saint-Dié, les militants du PC fuient la discussion. Sa conclusion : dans les endroits où ils sont électoralement puissants, là où ils sont en force – La Seyne, Cherbourg, par exemple –, les communistes attaquent les socialistes. Ailleurs, ils font profil bas.
8 novembre
Ce matin, à la demande, paraît-il, de Michel Debré, Jacques Chirac, entouré de tout l'état-major du RPR, a tenu à réunir aux aurores, dès 8 heures du matin, au siège du RPR, rue de Lille, tous les ministres RPR du gouvernement qui sont, selon la définition cruelle que m'en a donnée récemment Debré, « à peine ministres, et à peine RPR, il faut bien le reconnaître ».
Pourquoi cette réunion matinale ? Parce que Chirac, me révèle Jacques Toubon, est aujourd'hui en proie à une double inquiétude. Il craint d'être en quelque sorte « grignoté » par Giscard : d'abord, il sait bien que le chant de sirène de Raymond Barre attire les ministres RPR et que son influence à lui, Chirac, sur les membres du gouvernement est sérieusement contrebalancée par le Premier ministre que beaucoup de gaullistes trouvent à leur goût. Et puis, il a l'impression de perdre chaque jour un peu de son pouvoir dans la majorité. Il aurait dû en être conscient en 1976, lorsqu'il a quitté le gouvernement. Mais il se sentait à l'époque le combattant numéro un, inévitable, incontournable, contre l'union de la gauche. Il n'a pas compris tout de suite que la rupture entre communistes et socialistes modifiait la donne également au sein de la majorité, et permettait à Giscard, donc à Barre, d'envisager plus sereinement leur avenir électoral et politique.
Donc, ce matin-là, Chirac n'a pas mâché ses mots : dans la perspective d'un dîner prochainement organisé par Raymond Barre avec tous les membres du gouvernement, dont le but est de mettre au point les objectifs d'action de la future campagne électorale, il a mis en garde solennellement les quatre ministres et les sept secrétaires d'État RPR : « On essaie de m'abattre, leur a-t-il dit. On essaie d'étouffer le RPR, d'éliminer, d'éloigner ou de prendre la place de nos candidats. Attention à ce que vous faites, attention à ce que vous allez accepter du Premier ministre !
« Ne voyez-vous pas, leur aurait-il dit, que, dès qu'il y a une bonne circonscription, on essaie de nous la prendre, même lorsqu'il a été convenu qu'elle nous appartenait ? Que le Parti républicain essaie partout de présenter des candidats (d'autant plus vrai qu'il en présente même à la Réunion dont Debré est l'élu) ? Que les ministres RPR sont contraints d'accepter des suppléants giscardiens ?
« Bref, conclut-il, il y a là un vrai désir de nous porter atteinte, que vous ne devriez pas supporter aussi facilement. »
Parmi les coups bas électoraux, Chirac a cité ce matin le fait que Michel de Bonnecorse, membre du cabinet de Barre, s'est vu recommander de ne pas prendre l'étiquette RPR. Même mise en garde au recteur de Clermont-Ferrand. Dans les Vosges où Philippe Séguin, jeune conseiller à la Cour des comptes 31 , se présente dans la 1 re circonscription, il voit
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