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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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Ravi de son déjeuner, il fait faire à Edgar, avec Jean Riboud, un grand tour du jardin. « Rose, coloré », me dit Irène Dayan, qui, après un déjeuner avec Danielle, le rencontre dans le parc.
    Ultime conseil d'Edgar à Mitterrand, sous forme de boutade : « Il ne faut pas craindre, dit-il, de prendre des mesures populaires ! »
    Une fois de plus, je m'étonne de cette sorte de connivence que la IV e  République a établie entre ces hommes qui en ont été les ministres. Je doute que Mitterrand eût souri à cette phrase si l'un de ses plus jeunes collaborateurs l'avait prononcée, même en guise de plaisanterie.
    Une fois de plus, derrière ces quelques mots, Edgar Faure a mis le doigt avec intelligence sur la plaie. Des mesures populaires, Dieu sait que Mitterrand et le gouvernement Mauroy en ont pris à l'automne dernier : le SMIC, les 39 heures, la retraite à 60 ans. Et puis il y a eu la pause, à la demande de Delors à qui le déficit faisait peur. D'où l'arrivée de mesures moins populaires...
    Aujourd'hui, en février, le mécontentement monte. Mitterrand est persuadé que c'est affaire de communication : voilà pourquoi il s'irrite contre la télévision. En réalité, je trouve que c'est plutôt la presse écrite qui véhicule cette impression que la relance voulue par les socialistes, annoncée par eux avant l'élection présidentielle, a quelque chose d'économiquement hérétique, même si elle se veut, sans le dire, « keynésienne ». Lorsque les journalistes de la télévision et de la radio en parlent, c'est le plus souvent pour reprendre exclusivement les articles du Figaro ou de la presse de droite. Et pour souligner que l'inflation ne faiblit pas, pas plus que le déficit du commerce extérieur. Je ne vois pas comment ils pourraient faire autrement.
    Restent deux exceptions qui n'ont rien à voir avec la télé ou la radio publiques, c'est Jean Boissonnat à Europe 1 et Philippe Alexandre à RTL. Pour les deux, la critique est un fonds de commerce : ils ne changeront pas de ton. Mieux vaut les laisser continuer plutôt que d'essayer de les éloigner de leurs rédactions respectives. Je fais là allusion à une démarche de Rousselet auprès de Rigaud pour qu'il se débarrasse d'Alexandre. Erreur ! Rigaud a résisté à Giscard ; il résistera à Mitterrand, d'autant plus que son poste ne dépend pas de lui.

    Un mot encore sur ce que m'a raconté Jean Riboud. Il a rencontré à New York François Polge de Combret 56 , qui lui a dit avec tristesse qu'il avait voué quatorze ans de sa vie à Giscard, et qu'en quatorze ans, Giscard l'a invité quatre fois seulement à s'asseoir. Et qu'il n'a jamais été reçu non plus rue de Bénouville. Si c'est vrai, c'est inouï !
    Je raconte à Riboud, du coup, la visite d'Anne-Aymone Giscard d'Estaing à Radio France à l'occasion de je ne sais quelle exposition à la Maison de la Radio. Devant les gens qui m'accompagnaient, et alors que je venais au-devant d'elle pour la saluer, ce que je n'étais pas obligée de faire, elle m'a traitée comme une usurpatrice, avec une hauteur telle que je n'ai pu répondre que par un éclat de rire, avant de tourner les talons.
    Moyennant quoi Polge a dit à Ribout que, lorsqu'il a accepté de partir pour les États-Unis, Giscard lui a dit : « Partez, c'est très bien, à condition que ce soit pour dix-huit mois ; dans deux ans, Mitterrand sera mort, et je reviendrai. »
    Pour Polge, il ne pouvait s'agir que de mort politique. Pour Giscard, je n'en suis pas si sûre. Il brûle de se débarrasser de Mitterrand. En attendant, c'est Chirac qui s'est débarrassé de lui.

    Rien d'autre à signaler, sinon la première grève à laquelle j'aie eu affaire. Seize heures et deux jours de négociations difficiles pour se retrouver finalement entre syndicats et patronat (le patronat, c'est moi !) dans une curieuse atmosphère de complicité, chaleureuse et ouatée. Qualité de ces sentiments complexes, joints à la difficulté de vivre ensemble.

    25 février
    Mitterrand et Helmut Schmidt à l'ambassade d'Allemagne. De Schmidt je retiens un toast étonnant où il dit, comme pour s'excuser, qu'il n'a pas trouvé, pour condamner les événements de Pologne 1 , les mêmes accents démocratiques que Mitterrand. C'est que, explique-t-il, dans l'histoire, l'Allemagne s'est tellement mal conduite avec la Pologne...
    Il est meurtri, malheureux du dessin de Tim, dans L'Express, qui l'a représenté avec une

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