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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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botte de Hitler, une botte de Staline, léchant les pieds de Brejnev en lisant le New York Times.
    Mitterrand, hiératique, pâle, parcheminé... J'apprends, parce qu'il me le dit, que je suis un de ses invités à l'occasion du voyage officiel qu'il va faire à Rome, dans quelques jours.

    8 mars
    J'entame un nouveau cahier, le vingt et xième – il y en a tant que je n'ai pas leur chiffre en mémoire – après mon voyage à Rome.
    Rome où je vais donc retrouver Gilles Martinet, devenu ambassadeur de France, aussi à l'aise au palais Farnèse qu'il l'était il y a des années dans les couloirs du PSU. Voix modulée, gestes de prélat, propos de diplomate...
    Dans l'avion qui nous emmène à Rome, Mitterrand met en boîte Lang sur ses velléités d'être ministre de la Communication et de prendre la place de Georges Fillioud, il plaisante Édith Cresson sur ses propres relations avec elle, moi sur mes relations supposées avec Gilles Martinet. « Et si on lui parlait de sa nouvelle poule ? » glisse Jack Lang à mon oreille.
    Mitterrand rit à gorge déployée lorsque je lui raconte le dessin de Faizant, dans Le Figaro , qu'il n'a pas vu. On l'y voit dire, l'air pensif : « Dites-moi donc le nom de celui qui a fait taire Claude Cheysson ! »
    Cheysson, je le vois au Farnèse où il est déjà lorsque nous arrivons. J'en profite pour lui parler de Radio France Internationale que finance (mal) le Quai avec lequel d'incessantes escarmouches l'opposent sur des questions secondaires. Il est présent, précis, attentif, jusqu'au moment où, ayant prestement cerné et compris le problème, il me signifie qu'il s'en occupera. Je ne sais pas si personne ne peut le faire taire, en tout cas voilà quelqu'un qui a la compréhension rapide. Drôle de type, intelligent et séduisant, maladroit et pourtant habile...
    Le premier soir, en privé, Mitterrand reprend la distinction de 1978 entre le socialisme historique et la deuxième gauche catholique, en s'indignant encore à l'idée que la seule chose que ces gens (il a en tête Jean Daniel et Le Matin de Paris ) voient et veulent, c'est le départ des ministres communistes du gouvernement.
    À je ne sais quel propos, il passe un savon à Cheysson avec une rudesse inhabituelle. Il me semble qu'ils ont un désaccord sur la politique arabe française, ou bien sur la Pologne. Je n'ai pas entendu le début de la conversation parce que je visitais le palais de l'ambassade de France, mais, en arrivant dans le somptueux salon où tout le monde s'était installé, j'ai trouvé très âpres les propos de Mitterrand, d'autant plus qu'ils étaient tenus en public et devant un ambassadeur, de surcroît.
    J'ai pris conscience à cette occasion qu'on ne contredisait pas le Président. Avant qu'il le soit, il est vrai, on le contredisait peu. Aujourd'hui, pas question. Gilles Martinet, muet dans son fauteuil, et moi n'avons d'ailleurs pas pipé mot. Nous avons commenté l'échange plus tard en nous disant l'un et l'autre que Cheysson n'en avait plus pour longtemps 2 .
    Pendant son discours, au début du dîner officiel, Villa Madame, Mitterrand commence par lire le texte qui lui a été préparé. Je suis à côté d'Hubert Védrine, le jeune membre du cabinet en charge de l'international. C'est évidemment lui qui a rédigé le texte de l'intervention de Mitterrand. Voilà qu'au bout de quelques minutes, Mitterrand, d'un geste agacé, jette sur la table les quelques feuillets qu'il a sous les yeux et se lance dans une grande improvisation. « Il me fait toujours le coup, me dit Védrine. Il a raison : il est bien meilleur. »
    Je vois, à quelques convives de nous, Michel Vauzelle adresser à Védrine des sourires complices : ils jouent sans doute à parier sur les textes qu'écarte Mitterrand au moment où il en prend connaissance, c'est-à-dire au moment où il prononce son allocution officielle, et sur ceux qu'il conserve. Ils ont trouvé le moyen, et c'est tant mieux pour eux, de transformer en jeu ce qui pourrait constituer une humiliation. Ils retiennent à grand-peine leur amusement lorsque Mitterrand, après une bonne demi-heure d'improvisation, ne trouve pas sa chute et entame une digression de dix bonnes minutes supplémentaires, qui consterne l'assistance : car les convives n'ont toujours rien avalé.
    Je remarque un certain trouble autour du président italien : c'est, m'explique Védrine, que le protocole veut que le chef de l'État hôte réponde aussi

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