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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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pas entendu Pierre Mauroy faire acte de sectarisme. Il n'a ni petitesses ni petits propos. Il est allé au Liban, hier, bravant le terrorisme et la folie des petits ou grands chefs, chrétiens ou prosyriens. Il a parlé avec les uns, me dit-il, le langage de la fermeté ; avec les autres, celui de la compréhension. Il aime les gens, essaie de les comprendre, ne dit jamais de bêtises lorsqu'il ne sait pas quelque chose. D'ailleurs, son expérience au sein des partis socialistes européens lui a appris en politique internationale davantage de choses que ne le croient les gens – et peut-être Mitterrand lui-même.
    Il sait parler sans démagogie : au colonel Paris, qui l'a accompagné au Liban, il dit devant moi, sans sécheresse, mais sans faiblir : « Le budget militaire, je n'accepterai pas qu'il me soit dicté par l'armée. Si chaque ministre, chaque administration me demande la reconduction de son budget, il est inutile que j'essaie d'en faire un ! »
    À Nicole Questiaux qui refuse de faire des économies et qui proposait à Mitterrand et à Mauroy, en guise de solution, l'augmentation d'un point des cotisations de Sécurité sociale, il a répondu que si elle persistait, elle devrait s'en aller. « Dans tes demandes, il y a largement de quoi ne pas terminer un septennat », lui a-t-il dit sans hausser le ton, en souriant presque. Il paraît que Mitterrand et lui ont ri devant l'air courroucé de l'intéressée.
    Il est digne, amical, chaleureux, vivant. Peu importe que son costume éternellement bleu ne sorte pas de chez un tailleur renommé (bonne question : je ne sais absolument pas où il s'habille ; je le sais pour Delors et pour Lang, mais nul ne le sait pour Mauroy).

    À bord d'un énorme bateau à moteur, nous partons pour Hydra, une des îles à quelques miles d'Athènes. Melina Mercouri occupe le salon du bateau, où, majestueuse, elle parle à Mauroy de sa belle voix rauque. Ne regardant qu'elle, je n'aperçois que plus tard la présence du Premier ministre socialiste grec, Andreas Papandréou. Ils conversent tous trois pendant que nous sommes sur le pont. Lorsque nous arrivons à Hydra, en toute fin d'après-midi, des danseurs de sirtaki attendent. Et voilà Mauroy, entraîné par Melina, dans un sirtaki torride ! Nous nous demandons, avec Jérôme Clément qui accompagne Mauroy dans ce voyage grec, quel effet feront sur le public du journal télévisé les images des caméras de TF1 ou d'Antenne 2 qui ont naturellement délégué leurs équipes. Mais la Grèce est la Grèce, avec sa magie. Le soir tombe, le soleil rouge se couche, projetant des couleurs de feu sur les visages.
    Le lendemain, coup de téléphone affolé de Marie-Jo Pontillon, l'assistante de Pierre Mauroy depuis des années : les images diffusées au JT de 13 heures ont montré un Premier ministre rouge vif (les dernières lueurs du couchant) dansant avec une star grecque ! À Paris, je l'apprends à cette occasion, les Français pensent que le Premier ministre bamboche ! Ce qui l'incite, le dernier soir, à rester enfermé plutôt qu'à s'en aller flâner dans les rues. Ce que nous faisons, nous.

    6 juin
    Versailles. Fin du Sommet des pays industrialisés qui se tient en France depuis le 4 juin.
    La soirée commence par un loupé magistral. Les grands de ce monde, leurs proches collaborateurs et une partie de l'élite française sont conviés, avant le dîner, à un court spectacle musical baroque qui doit se jouer dans le fameux petit théâtre à l'italienne, restauré, de Versailles. L'opéra, dirigé par le chef anglais William Christie et sa compagnie, les Arts florissants, doit être retransmis simultanément par la télévision et par France Musique.
    Horreur : après les trois coups, ou ce qui en tient lieu, le rideau de scène ne se lève pas. William Christie, qui a levé sa baguette, la repose. Chacun se regarde, s'interroge ; Mitterrand s'impatiente, et, plus terrible, Reagan s'endort ! Il ne pique pas du nez, non, il s'assoupit profondément devant tout le monde. C'est tout juste s'il ne ronfle pas. Un fou rire s'empare de quelques-uns, dont je suis, à l'idée que cet incident – une panne, paraît-il – pourrait se prolonger. Nous finissons par penser que le spectacle n'aura jamais lieu, lorsque, hourra, le rideau se lève, au grand soulagement de tous les assistants.
    Reagan se réveille. Je ne sais pas si, la salle à peine replongée dans le noir, il ne s'est pas rendormi.
    Suit un

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