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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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dîner dans la salle des Batailles. Une immense table a été dressée au milieu des dorures pour clôturer ce Sommet des pays industrialisés. Impressionnant, vraiment. Ministres socialistes et communistes découvrent pour la plupart la beauté des lieux. Et aussi le faste – il n'y a pas d'autre mot – de la V e  République mitterrandienne.
    Le fait qu'au menu du Sommet figurent essentiellement les crédits accordés aux pays de l'Est, et que Ronald Reagan cherche à les contrôler, ne chagrine pas les communistes français. Il faut voir Charles Fiterman, se penchant à une des fenêtres et interpellant un autre ministre communiste, penché lui aussi à la fenêtre voisine. Parmi tant d'autres qui s'émerveillent comme des enfants. Il faut dire qu'il y a de quoi : à la lumière des bougies, les salons de Versailles offerts aux dirigeants des pays industrialisés sont véritablement féeriques.
    Pendant que nous festoyons assez loin des grands de ce monde, au bout d'une immense table, le Liban est envahi par Israël et le combat fait rage aux îles Malouines.
    Tant de luxe me dérange, finalement, après un premier coup d'œil émerveillé. D'abord, je n'aime pas follement ça. Et puis je me demande ce que l'opinion publique en retiendra. Que les socialistes, décidément, ne menacent personne, qu'ils sont loin d'être révolutionnaires, même en occupant Versailles ? Ou bien que le gouvernement et le Président dînent fastueusement pendant que le chômage continue de frapper les Français, et, parmi eux, leurs électeurs ?
    Je n'en sais trop rien. Cette soirée me gêne, comme si moi-même je considérais dans mon for intérieur que seule la droite avait droit à Versailles ! J'exagère probablement : la proportion des Français éblouis par les chandelles et les laquais en habit équilibrera les mauvais coucheurs.
    Plus tard, à la fin de la soirée, Jacques Attali, qui a été le grand organisateur de la rencontre, m'explique que, malgré le luxe apparent de ce sommet de Versailles, le plus dur est devant le gouvernement : il s'attend à des soubresauts, prône l'austérité, et m'annonce que le pouvoir s'attaquera au déficit de la Sécurité sociale en juillet. Voire, me dit-il, dès le prochain Conseil.

    11 juin
    Tout va mal. Le dollar se porte trop bien, le mark aussi, tandis que le franc chute, l'or aussi, signe, paraît-il, de grande tension. Mitterrand, dans cette crise, a néanmoins curieusement retrouvé une bonne mine. L'état de grâce, cependant, est fini et bien fini.

    12 et 13 juin
    Attali avait parlé d'or. Coup sur coup, hier et aujourd'hui, dévaluation du franc (12,5 %) et blocage des prix et salaires 7 . Ce que la gauche voulait éviter d'entrée de jeu, la dévaluation, se fait aujourd'hui dans un climat différent, parce que l'état de grâce n'est plus de mise : peut-être aurait-il finalement mieux valu dévaluer dans la foulée de la victoire électorale ? Quant au blocage des prix et des salaires, il suscite l'émotion partout.
    Il semble bien, d'après quelques phrases de Mauroy, que j'ai eu avant-hier au téléphone, qu'il ait eu quelques difficultés à imposer son point de vue à Mitterrand, ou plus exactement à convaincre Mitterrand de la nécessité de modifier sa politique économique. En quelques mois, la gauche a augmenté le SMIC, créé des emplois publics, tenu la plupart des promesses du programme du candidat à la présidentielle. Mitterrand attendait la reprise par la consommation ; manifestement, elle n'a pas eu lieu et la situation est assez grave pour que l'on sorte des engagements pris durant la campagne.
    L'atmosphère politique est particulièrement lourde. L'opposition n'est pas en état de se battre, mais n'en pense pas moins. La presse économique, qui a longtemps reproché à la gauche ses penchants keynésiens, se plaint aujourd'hui du tournant de la rigueur, qu'elle réclamait. Sale temps pour Mitterrand !

    16 juin
    Ce que je peux savoir du Conseil des ministres de ce matin va dans le sens d'une forte houle. Il paraît que Jean-Pierre Chevènement s'est élevé, avec l'énergie qu'on lui connaît, au cours du tour de table demandé par Mitterrand, contre l'abandon de la politique de 1981, et que Charles Fiterman, tout communiste qu'il est, est resté plus mesuré. Et Rocard, là-dedans ? Il a dit, me rapporte l'entourage de Mauroy, que tout le monde savait faire le blocage des prix, mais que le blocage des salaires était une

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