Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986
d'un mouvement sur son aile droite. Mais avec qui ? Edgar Faure ? Trop vieux. Bariani ? Non. Bernard Stasi ? Oui, ce serait le plus proche, mais léger. Roger-Gérard Schwartzenberg ? Il manque de cœur, dit Maurice Faure. Alors ? De toute façon, tout cela ne fait pas un véritable mouvement politique.
23 avril
Réunion de l'Union européenne des radios-télévisions, à Copenhague.
Conversation, le soir, avec Branko Dadić, président de la télévision yougoslave, tout juste débarqué dans le monde de l'Ouest, qui rentre de Tchécoslovaquie. Il a trouvé son homologue, le président de la pesante et orthodoxe télévision tchèque, horrifié par ce qu'il appelle la « liberté polonaise », et, en même temps, par la participation des communistes au gouvernement français où, croit-il, ils perdront leur âme.
Puis, le lendemain, j'échange quelques mots avec le directeur de Radio Vatican, un jésuite qui, la slivovitz aidant, me confie que le pape l'inquiète beaucoup : l'attitude belliqueuse de Jean-Paul II sur la Pologne est l'objet de son angoisse. Ses phrases me font penser à ce que m'avait dit Roger Stéphane lorsque Jean-Paul II fut désigné par ses pairs : « Ce sera la guerre en Europe », avait-il prédit au moment où, en France, beaucoup se réjouissaient de l'élection d'un pape non italien, en profonde communion avec la Pologne et les Polonais anticommunistes.
Hier, j'ai inauguré Radio Berry, station locale de Radio France qui rejoint les autres stations décentralisées mises en place sous la présidence précédente.
Conversation avec Georges Fillioud dans l'avion qui nous ramène :
« Moi, dis-je, ce dont j'ai le plus peur, dans la vie, c'est l'avion.
– Moi, dit Nicole Covillers, du cabinet de Fillioud, c'est la voiture !
– Moi, coupe Fillioud en rigolant, ce qui me fait le plus peur, c'est lorsque Laignel prend la parole ! »
André Laignel 5 , député de l'Indre, nous a en effet accueillis à Issoudun avec un discours longuet et un peu décousu...
Nouvelle cascade d'erreurs gouvernementales : Gaston Defferre, trop brutalement pour les électeurs de gauche, se dit favorable aux contrôles d'identité. Pour un ministre de l'Intérieur, cela me paraît normal. Mais Robert Badinter, ministre de la Justice, répond qu'il est contre. Normal aussi.
Pierre Mauroy, voulant arranger les choses, publie dans Le Monde une tribune où il affirme qu'il est normal, presque souhaitable, démocratique en tout cas, que les ministres débattent entre eux publiquement d'un problème. Ce qui a fortement déplu au Président, qui prône précisément le contraire et s'irrite de voir son Premier ministre revendiquer le droit à la pagaille au sein de son gouvernement. C'est à ce moment que Joxe, aidé de Jospin, qui se veulent tous deux les interprètes de la pensée présidentielle, tombent à bras raccourcis sur le Premier ministre, qu'ils accusent de ne pas garder ses réflexions pour lui.
Inutile bagarre au sommet. On croit rêver devant tant d'irresponsabilité.
26 avril
Début de la discussion de la loi sur l'audiovisuel à l'Assemblée nationale . Finalement, je ne sais pas combien la loi compte d'articles. Je sais seulement que 500 amendements au moins ont été déposés. Les choses vont durer plus longtemps que prévu.
Quant à l'atmosphère, elle ne peut être bonne, lorsqu'on voit toute l'opposition – qui n'a pas de conseils de pluralisme à donner – rivaliser d'astuces pour ralentir les débats 6 .
10 mai
Reste que Mitterrand a été élu il y a un an.
Un dîner d'anniversaire est prévu chez Cecconi's, sur les Champs-Élysées.
Après avoir été, avec Jack Lang je crois, voir Catherine Ribeiro sur scène, Mitterrand rejoint la petite foule de journalistes et d'amis – d'amis, surtout – qui l'attend. Il est plutôt lointain et, me semble-t-il, très pressé. Il embrasse Irène Dayan. À ceux qui lui disent : « Bon anniversaire ! », il répond, comme s'il faisait semblant de ne pas entendre : « Mon anniversaire, c'est le 26 octobre. » Ce qui veut dire, je pense, que sa vie à lui ne saurait être confondue totalement avec son accession à l'Élysée. « La différence, lui dis-je, c'est qu'il y a un an vous n'en étiez pas là. » Il rit en s'en allant.
27 mai
Trois jours avec Mauroy en Grèce où il est reçu par les socialistes grecs, et par Melina Mercouri qui, à elle seule, vaut le déplacement.
En un an, je n'ai
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