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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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de la gauche, me reprochent de ne pas en avoir pris davantage, comme à FR3, par exemple, où Guy Thomas, son président, ne cesse de nommer des directeurs régionaux communistes. Mitterrand m'interrompt :
    « Attention, les communistes, il faut s'en servir ! Et ne pas tout leur donner. Comment s'en débarrassera-t-on ? Ça aussi, c'est un problème ! »
    Il le dit sur un tel ton que j'en conclus peut-être hâtivement qu'une rupture entre socialistes et communistes est éventuellement possible en 1983...
    Bref, au cours de cette soirée, nous avons parlé essentiellement de l'information. Comme si elle pouvait tout ! En dehors de cela, il faut bien dire que Mitterrand et ceux qui l'entourent énoncent bien peu de remèdes pour gagner les futures élections municipales et régionales. C'est à Georges Fillioud et à moi de résoudre tous les problèmes. Quand l'information va, tout va !
    Je suis un peu – c'est une litote – perturbée. Pour la première fois, me voici au pied du mur. Durcir ? Je ne le peux ni ne le veux. Encore que Mitterrand m'ait dit : « Vous êtes celle des P-DG nommés qui a fait le meilleur chemin. » À ses yeux, ce n'est pas parfait, mais un tout petit peu mieux que les autres. Car aucun des présidents ne trouve grâce à ses yeux : pas plus Jacques Boutet, qu'il a choisi, que Guy Thomas ou même Pierre Desgraupes dont la chaîne marche pourtant rudement bien. J'essaie de plaider la cause de ce dernier :
    « Antenne 2, lui dis-je, ce n'est pas la même chose !
    – Pourquoi ? me répond-il, agacé.
    – Parce que la maison marche. Et mieux qu'avant ! »
    Il me regarde sans répondre.
    Qu'attend-il de moi ? Que j'épure, que je vide l'eau de la baignoire ? Je suis incapable de le faire. Je ne le ferai pas.

    « Dans trois mois, m'a dit Chirac, qui, hasard du calendrier, est venu déjeuner aujourd'hui avec moi à la Maison de la Radio, dans trois mois tu n'oseras plus m'inviter ! »
    Je repense ce soir à cette prophétie. Ce qui est terrible, à y réfléchir, c'est que Mitterrand n'a pas tort de parler des dangers que la droite fait courir au gouvernement. Elle existe et se démène, c'est vrai, prête à réapparaître partout. Mais, quelque part, aidée par les syndicats, et surtout par la CFDT.
    Allez y comprendre quelque chose ! Je crois que le vrai problème est d'abord un problème du socialisme avec lui-même.

    27 mars
    J'ai écrit à Mitterrand une longue lettre que j'ai confiée à Irène Dayan pour qu'elle la lui remette. Je lui dis que la loi en préparation me paraît inutilement touffue. Que les seules choses à régler me semblent concerner la Haute Autorité, le mode de désignation des présidents de chaînes, la décentralisation et les problèmes de production. Je lui dis aussi que les présidents-directeurs généraux de l'audiovisuel ne sont pas, depuis le 10 mai, à la fête.
    Dès juillet, Georges Fillioud, dont j'apprécie la loyauté et l'humour, avait déjà parlé de convention unique du personnel, encouragé les syndicats à résister aux présidents de chaînes, aboli la loi Vivien sur le programme minimum.
    Ce que j'écris aussi à Mitterrand, c'est que, dans les différentes chaînes, nous avons tous hérité de structures et de gens que nous n'avions pas choisis. Nous étions donc sur un terrain mouvant, c'est le moins qu'on puisse dire. Certains d'entre nous ont échoué, peut-être. Mais déstabiliser les autres me semblerait injuste et inefficace. Mieux vaudrait encourager Desgraupes, puisque c'est à lui que je pense, qui a réussi l'essentiel : créer de bons programmes. Lui faire confiance, ainsi qu'aux vrais professionnels qui sont à ses côtés (Ockrent, Labro), plutôt que de déstabiliser une antenne qui est précisément en train de se rééquilibrer...
    D'autant que l'information, même si elle pose parfois problème, ne fait pas tout, loin de là. N'a-t-il pas été élu malgré elle, même s'il ne s'en souvient pas ?...
    Je ne reçois pas de réponse. Je me demande même si cette lettre lui est parvenue.

    30 mars
    Dîner à la maison avec Maurice Faure et André Rousselet.
    Maurice Faure commence, en guise de préambule, par rappeler cette définition de Paul Ramadier 4  : « La politique, ce n'est ni la morale, ni la logique, c'est une dynamique irrationnelle. »
    Pour eux, le principal problème de la gauche est de retrouver un centre gauche. Ce qui passe d'abord par une refonte du PS et la création

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