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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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d'une instance de régulation est insupportable. Pourquoi ? Parce que ce n'est pas une instance entièrement composée de journalistes.
    Je repense à la façon dont j'ai longtemps entendu les hommes politiques se plaindre de la télévision. Ai-je franchi le pas, suis-je passée de leur côté ? Les journalistes sont devenus mes censeurs.
    Même la presse de droite, qui aurait dû apprécier notre indépendance vis-à-vis du pouvoir, nous voue aux gémonies. Et Philippe Alexandre, qui n'a pas son pareil, de dire que notre intervention est condamnable. Et Guy Claisse qui y va de son éditorial indigné. Je ne parle même pas de Philippe Tesson. Que sont nos amis devenus ?
    Le problème est que nous avons raison. La télévision militante ne fait pas de la bonne télévision. La télé n'appartient à personne, ni à la majorité, ni à l'opposition ; elle appartient à ceux qui la regardent.

    6 novembre
    Première tempête, donc, à la Haute Autorité. Qui retombe sur moi en premier lieu, particulièrement attaquée et suspectée d'avoir donné cet avis pour rallier le camp de Chirac. Absurde.
    Tout cela parce qu'un reportage a rageusement assommé une clinique de la Ville de Paris. Nous avons été appelés à dire ce que nous en pensions. Nous avons dit : trop, c'est trop ; la « télévision, la Voix de son maître », ça suffit ; et voilà que l'univers politico-corporatiste s'enflamme. Je ne m'y attendais pas du tout.

    Chirac m'appelle. Il me dit qu'il n'aurait jamais pensé que la Haute Autorité, trois mois après avoir été nommée, prenne ce risque vis-à-vis du pouvoir. Je lui réponds que c'est normal, que ses membres ont pris cette décision ensemble, et qu'en aucun cas ce n'est un gage que nous lui donnons en général ou que je lui donnerais en particulier.
    Il rigole. Au fond, il n'y croit pas, lui non plus, à cette Haute Autorité. Il a sollicité ou fait solliciter son avis pour nous mettre à l'épreuve et démontrer, dans un but politique, qu'il était maltraité par TF1. Tel que je le connais – et je le connais bien –, il aurait préféré que la Haute Autorité lui donne tort, pour pouvoir crier qu'elle ne servait à rien. Je lui ai coupé l'herbe sous le pied, en quelque sorte. Je ne suis pas sûre que cela l'arrange.
    Condamnée par la majorité et par la presse, tenue sous surveillance par l'opposition, je suppose qu'il me faudra bien avancer ainsi, cahin-caha.
    Toute cette agitation contre la Haute Autorité ne déplaît pas au ministre de la Communication, évidemment, mais Fillioud ne cherche pas à l'exploiter. Il refuse au contraire, devant tous les micros qui s'ouvrent devant lui, de commenter notre décision. J'apprécie sa discrétion.
    L'idée qu'une telle tempête médiatique puisse se déchaîner parce que la Haute Autorité essaie de faire respecter les droits de l'opposition me donne une idée lamentable de l'état de la démocratie en France.

    Durant toute cette période, une voix discordante, celle de Daniel Karlin. Comme à l'occasion de la nomination des présidents de chaînes, il est le seul à avoir pris ses distances et à émettre un vote négatif.

    11 novembre
    Après la tempête, l'accalmie. Provisoire, sans doute. Accompagnée d'une petite provocation que j'ai du mal à comprendre et qui ne peut émaner que de l'un d'entre nous, ou de l'un de ses proches.
    Un inconnu qui se fait passer pour Karlin appelle Antenne 2 pendant l'émission spéciale, ce soir, sur la mort de Leonid Brejnev. Il exige l'arrêt instantané de l'émission, qu'il juge anticommuniste. Pierre Desgraupes me prévient immédiatement, outré par cette intervention grossière. Je sonne le branle-bas de combat.
    Lorsque j'appelle Karlin pour m'étonner (le mot est faible) de son initiative, il tombe des nues. Il me propose de dire lui-même à Pierre Desgraupes ou à Pierre Lescure 21 qu'il n'est pour rien dans cet appel, que quelqu'un a dû imiter sa voix.
    Au moment précis où il appelle Lescure, l'autre, celui qui se fait passer pour Karlin, appelle Christine Ockrent, elle-même ayant à peine quitté l'antenne. « Pourquoi Desgraupes a-t-il prévenu Cotta ? s'étonne-t-il. Vous trouviez vraiment choquant que j'intervienne ? »
    Le mystère de la chambre jaune... Dans quel piège suis-je tombée ? Si Lescure et le vrai Karlin n'avaient pas été en communication au moment précis où le faux Karlin a appelé Christine, j'aurais pu penser que Daniel Karlin était, quoi

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