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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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journaliste : Alain Denvers, dont le père est président du conseil général du Nord.
    Le directeur de l'information en exercice, Jean-Pierre Guérin, nommé en février dernier, est un professionnel sans reproche, assez prudent pour que personne n'ait jamais connu ses idées politiques. Il a pris la succession de Jean-Marie Cavada lorsque celui-ci, qui n'était pas en odeur de sainteté à gauche, a jeté l'éponge. Le mieux serait de le laisser à la place où il est. Je ne vois pas pourquoi tout le monde s'affole, en haut lieu, comme on dit, où au surplus les différents conseillers ne tiennent pas le même langage.
    En tout cas, l'agitation devient telle que Mitterrand m'appelle. Voix douce, chaleureuse, pour me dire : « Occupez-vous de cette affaire ! » Je pense qu'il penche pour la nomination d'Alain Denvers, je lui parle de François Lanzenberg et m'appuie, pour semer le doute, sur Laurence Soudet. Il me dit, formule dont il a l'habitude : « Voyez ça ! »
    Je n'ai aucun moyen de débrouiller cet écheveau, entre des gens que je ne connais à peine. Au surplus, ce n'est pas la mission de la Haute Autorité de le faire. Mitterrand le sait parfaitement et c'est pourquoi il dit la même chose, ou à peu près, à Georges Fillioud. Heureusement, Georges Fillioud me téléphone un instant après. Quelques minutes de conversation téléphonique nous suffisent : nous ne sommes pressés, ni l'un ni l'autre, de trouver une solution aux désirs différents – et parfois contradictoires – de ceux qui parlent au nom du président de la République.

    Mauroy, avec qui je déjeune aujourd'hui en compagnie d'Hervé Bourges, nous raconte qu'il en voit des vertes et des pas mûres :
    « Chez Mitterrand, il y a toujours deux politiques. Surtout, ne lui dites pas que vous essayez d'éviter les conflits avec Fillioud, il ne pardonnerait à aucun de vous deux !
    « En ce qui me concerne, continue-t-il, c'est encore plus difficile. Il me dit : “Soyez ferme”, et me balance le discours de Figeac aux limites de la démagogie... Il me dit : “Et le pouvoir d'achat, que faites-vous pour le pouvoir d'achat ? – Ah ça, je lui réponds, je ne peux pas résoudre la quadrature du cercle !” »
    Mitterrand était-il comme ça avant ? Cela s'aggrave-t-il depuis qu'il est élu ? Mauroy me dit encore : « Il a toujours la formidable volonté de détruire ce qu'il aime ou ce qu'il vient de construire. »
    Sans doute vrai : les Scorpions sont les Scorpions 19 .

    24 octobre
    Je n'ai pas raconté ici ma rencontre, jeudi dernier, avec tous les gouverneurs et les directeurs de la BBC. Dans le bâtiment de la télé britannique, le président du Board des gouverneurs, George Howard, un conservateur grand teint, costume de velours pourpre et chemise rose, me dit à quel point il est aujourd'hui honni par Margaret Thatcher : « Fini la tranquillité ! Vous verrez, me met-il en garde, c'est inévitable. Vous serez à droite pour un gouvernement de gauche, comme je suis à gauche, et la BBC derrière moi, aux yeux de notre Premier ministre. Moi, conservateur depuis toujours, propriétaire du plus vieux château d'Angleterre, il n'est pas un jour sans que je sois dénoncé pour dérive gauchiste ! »
    Il ajoute, presque navré d'avoir à me dire cela : « C'est dans l'ordre des choses, vous n'y changerez rien. Il est même recommandable que les choses se passent ainsi. Autrement, c'est que l'indépendance n'existe pas. »

    Peut-être ai-je une chance historique ? Peut-être ne suis-je pas à la hauteur ? C'est trop difficile de devoir se heurter structurellement aux gens qui vous ont donné précisément mission de leur faire barrage.
    Moi qui ne sais pas dire non – ou qui ne savais pas dire non –, me voilà obligée de m'opposer à ceux qui sont de mon bord, étant bien entendu que j'ai déjà perdu ceux qui ne l'étaient pas.

    Et puis, quelque chose me trouble : depuis des années que je tiens ce journal, je n'ai pas parlé de moi, ou presque pas. Mes problèmes personnels, mes interrogations, mes difficultés (et j'ai eu, je continue d'affronter quelques épreuves que je ne souhaite à personne), je les ai gardés pour moi. Parce que je regardais les autres en spectatrice privilégiée. Et puis voilà que je suis devenue un acteur de la vie politique, et je n'arrête pas, dans ce cahier, de me poser des questions. Insupportable !

    25 octobre
    Coup de téléphone de Jacques Chirac. Il a

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