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Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986

Titel: Cahiers secrets de la Ve République: 1977-1986 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michèle Cotta
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dresser les uns contre les autres ! Claude Estier me raconte le déjeuner de samedi (voir supra ), rue de Bièvre, avec Georges Fillioud, pendant que moi-même je déjeunais chez Mauroy avec Hervé Bourges. Mitterrand a donc sérieusement houspillé Georges Fillioud. Il sait pourtant, ce jour-là, qu'il m'a délégué la veille au soir le soin de régler le problème, et que c'est moi qui ai envisagé, pour renvoyer tout le monde dos à dos, cette combinaison hybride, très sociale-démocrate, d'adjoindre Lanzenberg à Denvers. Pourtant c'est à Fillioud qu'il fait mine d'en vouloir, et qu'il en veut sans doute. Petits côtés d'un grand homme...
    Nous en parlons longuement en tête à tête, Claude Estier et moi, comme nous ne le ferions pas avec un adversaire déclaré de Mitterrand. Tout de même, c'est bien difficile à avaler...

    6 décembre
    Mon fils subit une première opération. En attendant la seconde le 29.

    Pendant l'opération, Mitterrand m'appelle dans la salle d'attente de l'hôpital de Garches. Il a quelques mots merveilleux sur la vie, sur Thierry, les maladies de la colonne vertébrale, les greffes osseuses. Et puis, me dit-il, il faut faire confiance aux forces de l'esprit 22 .
    Les forces de l'esprit, je ne sais pas exactement ce que c'est, moi qui suis athée. Je ne demande qu'à croire que l'esprit suffise quand le corps s'éteint. Il n'empêche : ce coup de téléphone passé à ce moment-là me touche plus que je ne saurais l'écrire.

    11 décembre
    Jean Morin 23 me raconte que Bénouville, faisant mine de présenter Giscard à Chirac pour leur déjeuner pseudo-historique chez Drouant, leur a demandé à leur arrivée : « Vous vous reconnaissez ? »
    Je ne lui savais pas tant d'humour. Il paraît qu'il en a.

    11 décembre, toujours
    Pierre Mauroy aurait dit dans un avion le conduisant à la Réunion : « Je reste pour un an ! » Aussitôt la presse s'empare de cette fausse confidence : restera, oui ou non ? combien de temps ? pourquoi a-t-il dit cela ? est-ce pour demain ? etc.
    Je m'irrite de ce déballage d'interrogations sans intérêt, puisque personne ne peut y répondre. Le Premier ministre n'existe que par la volonté du Président. S'il paraît douter un instant de sa survie, il est fini. Pourtant, c'est le Président, et lui seul, qui tranche. En outre, chacun sait bien que le Président lui-même ne peut avoir de certitude sur le moment où il convient, ou pas, de changer de Premier ministre : c'est affaire de volonté, certes, mais aussi de circonstances. D'où la nécessité, évidente sous la V e  République, qu'éprouve périodiquement le Premier ministre de dire autour de lui – et de faire savoir – qu'il reste, faute de quoi il perd sa crédibilité. D'où, parallèlement, l'impossibilité qui est la sienne de savoir où et quand il devra quitter la partie, étant donné que celui qui détient le pouvoir, et peut le lui retirer en quelques heures, n'en sait rien, lui non plus.
    Tant de phrases, tant d'articles écrits depuis 1958 sur la dualité Président-Premier ministre. La seule chose certaine est qu'il faut, pour être à Matignon, le cœur solide et une foi bien ancrée. Et puis du caractère. Dépressifs s'abstenir.

    27 décembre
    Pauvre Maurice Biraud, il aura raté sa mort ! Frappé d'une crise cardiaque au volant de sa voiture, il a disparu le même jour qu'Aragon. Tandis que Paris se prépare à honorer le poète comme il le mérite, je pleure mon comique foudroyé à un feu rouge.

    Dix-huit mois après le 10 mai, où en sommes-nous ? Jean-Claude Héberlé à Radio Monte-Carlo, May à TF1, moi à la Haute Autorité, entre autres. Les syndicats sont nos ennemis acharnés, comme si tous leurs efforts convergeaient pour nous abattre. S'ils préféraient l'opposition, encore on comprendrait. Mais non : indifférents au sort d'une opposition qui ne peut rien faire, ils considèrent ceux qui se sont installés aux postes de commande, le 10 mai, comme leurs ennemis prioritaires. Les Français se foutent d'eux-mêmes et de leur avenir : les privilèges des uns sont dénoncés par les autres, et réciproquement.
    Les socialistes ont découvert l'audiovisuel, qui, soit dit en passant, ne se porte pas si mal : c'est le seul secteur industriel aujourd'hui à 10 milliards de chiffres d'affaires chez lequel l'endettement n'est que de 500 millions. Le nombre de téléspectateurs a monté, leur taux de satisfaction aussi. Le secteur

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